Harald Langstrøm
Les textes figurant dans le manuscrit LaraDansil utilisent tous à la même langue, se réfèrent au même lexique et sont rédigés dans des alphabet tous aisément transposables en lettres latines.
Et les propriétés fondamentales qui confèrent aux textes en transcript 1 un cachet tout à fait particulier sont les suivantes :
— Leurs « phrases » ne sont pas disposées sur une seule et unique ligne, qui suivrait le déroulement de la parole et imposerait l’ordre de la lecture, mais sur deux colonnes verticales parallèles, cette dualité étant spectaculairement renforcée par la nature des caractères utilisés, « majuscules » à gauche, et « minuscules » à droite.
— Les mots et les groupes propositionnels sont, dans les colonnes majuscules, collés les uns aux autres pour former des « versets », équivalents, mais équivalents seulement, à des « phrases » ou à des « propositions » ; ils sont en revanche comme saupoudrés de manière discontinue (à la manière de notes marginales, de gloses ou d’appendices[1]) dans les colonnes minuscules.
C’est que le transcript 1 a systématiquement recours à l’enchâssement, là où les transcripts 2 et 3 restent fidèles à la syntaxe de l’énantien ordinaire. Mais le terme d’enchâssement, en raison de sa trop grande généralité, ne rend pas compte du fait que le transcript 1 utilise deux méthodes très différentes pour restituer les liens logiques unissant les différents groupes propositionnels agglutinés les uns aux autres :
a) Comme les mots-phrases agglutinés qui figurent dans les colonnes majuscules ne font jamais tout à fait sens (et parfois même n’ont pas de sens du tout), il est dans tous les cas nécessaire d’intégrer la totalité des « fragments minuscules » au texte d’ensemble, en tenant soigneusement compte de leur situation relative par rapport à la colonne majuscule. Cette alternance de sens entre colonne majuscule et adjonctions minuscules constitue une forme particulière de parataxe (assez proche de ce que l’on trouve dans les seuls deux textes « ultramartiens » qu’Hélène Smith nous a transmis) ; je l’appellerai ici l’enchâssement simple, ou la parataxe alternée.
b) Certains termes figurant dans les versets, par leur répétition ou par leur analogie de sens, ou en raison du fait qu’y apparaît souvent une symétrie interne, déterminent des structures en écho, et constituent les équivalents de parenthèses ouvrantes et fermantes (ou encore de tirets cadratins), définissant des incrustations, ou des embrassements gigognes, qui, venant se superposer aux structures mises en place par la parataxe alternée, ajoutent à l’ensemble des nuances de sens nouvelles, expriment des rapports circonstanciels supplémentaires.
Je me propose d’étudier de manière détaillée comment fonctionnent ces deux types d’enchâssement.

1°) Enchâssements simples (parataxe alternée)
L’« enchâssement simple » intrique les deux niveaux de langue, majuscule et minuscule, du transcript 1. Une première particularité de ce type de structure est que le flux majuscule continu, et le flux minuscule discontinu. Cela signifie bien entendu que le flux minuscule vient s’insérer (s’enchâsser) à l’intérieure du flux majuscule. Mais, bien qu’il soit toujours possible de scander le flux majuscule en séparant les mots énantiens qui s’y succèdent, il n’est pas toujours possible de décider dans quel ordre (unidimensionnel, parce que temporel) il faut lire ces textes en faisant alterner les mots appartenant à l’un et l’autre flux.
Dans le cas le plus courant, le flux majuscule constitue le fil principal du discours, le niveau minuscule consistant alors en arborescences, notes, précisions, remarques incidentes, etc. (parfois essentiels cependant pour la compréhension de l’ensemble). Il peut arriver cependant que les deux niveaux en quelque sorte s’équilibrent, formant comme un chœur à deux voix.
La seconde particularité que présentent ces textes est qu’on ne sait pas toujours exactement à quel endroit les enchâssements minuscules s’insèrent dans le flux de la continuité graphique majuscule, en particulier en cas de développement parallèle des deux flux ; il n’est donc pas vrai d’affirmer que les « expressions minuscules » doivent toujours être lues entre deux mots du flux minuscule ; on peut aussi bien considérer qu’elles accompagnent, ou répondent à tous les mots majuscules qui se trouvent en vis à vis.
C’est que le Transcript 1, à la différence des langues parlées (qui s’inscrivent dans la seule dimension du temps) est une langue essentiellement écrite, c’est-à-dire une langue visuelle (et par conséquent spatialement bidimensionnelle).
Ainsi, le texte n° 19, du chapitre 4, comme tous les autres d’ailleurs, doit dans un premier temps être regardé comme une sorte de tableau immobile.
Les conventions ayant présidé à son écriture (et qui gouvernent par conséquent l’ordre de sa lecture) sont les suivantes : il faut progresser, de colonne en colonne, en allant de la droite vers la gauche et du haut vers le bas, en tenant compte de sa partition explicite en versets. Il est en même temps possible d’isoler, dans ces deux flux, les mots dont ils sont composés.
On peut si l’on veut, au sein de chaque verset, séparer les deux flux du discours ; on néglige alors le fait que le flux minuscule, à la différence du flux majuscule, est visuellement discontinu et renvoie en quelque sorte aux expressions qui se trouvent en vis-à-vis dans le flux continu des majuscule. On peut alors procéder à l’analyse suivante :
NIVEAU MAJUSCULE
*ARU
*RENEI-ATTANA-UMEZETUBRE
*VI-VOPRESTITEE
*VEVECHIR-NORI
* FRIMAFRAKTERE-ARU-KLATAFRAKTERE-TI-BENIEL
*TELERE-BROUKE
*ARU
*PORT-MONDE-SEPARATION
*TOI-DESORMAIS
*REVOIR-JAMAIS
*ERUPTION-ARU-EXPLOSION-DE-BENIEL
*FINIR-BRISER
C’est le fil principal. On y apprend qu’Aru est entré en éruption tandis que Béniel, explosant, finira brisé, tandis qu’une séparation entre un port et un monde vient d’avoir lieu, et qu’en conséquence « tu » ne seras jamais revu(e) [par « moi »][2].
Niveau minuscule
* vini
* purvine messouiste
* samamess kavivene
* si nini
* kit balkanei va blubire burda va boglateve
* kie ti medinei
* titre
* loin vogue
* égal étranger
* moi nous
* deux fracas où hurle bombe où tonne
* non de étreinte
Dans cette suite hétérogène de bribes, qui ressemblent à des balbutiements, il n’y a aucune continuité de sens : on ne devine même pas de quoi il est question (Aru et Béniel n’y sont pas nommés), et on ne sait pas ce qui « vogue », ni ce qui « tonne », tandis que la « bombe (qui) hurle » demeure une notation isolée.
On en apprend beaucoup plus en revanche lorsqu’on rapproche les deux flux, et qu’on attribue les « bribes » minuscules à leur référent majuscule :
* ARU
xxvini
*RENEI-ATTANA-UMEZETUBRE
xxxxxxpurvine messouiste
*VI-VOPRESTITEE
xxsamamess kavivene
*VEVECHIR-NORI
xxxsi nini
* FRIMAFRAKTERE-ARU-KLATAFRAKTERE-TI-BENIEL
xkit balkanei va blubire burda va boglateve
*TELERE-BROUKE
xkie ti medinei
soit :
* ARU
xxtitre
*PORT-MONDE-SEPARATION
xxxxxloin vogue
*TOI-DESORMAIS
xxxégal étranger
*REVOIR-JAMAIS
xxxmoi nous
*ERUPTION-ARU-EXPLOSION-DE-BENIEL
xdeux fracas où hurle bombe où tonne
*FINIR-BRISER
xnon de étreinte
En fait, la plupart des éléments de la série (soulignés ci-dessous) apportent des précisions, éclairent directement, ou glosent les passages (les mots ou les expressions) du discours principal auxquels ils se rattachent :
* ARU titre
* PORT loin (du) MONDE (qui) SEPARATION vogue
* TOI égal DESORMAIS étranger
* moi REVOIR JAMAIS nous
* deux fracas : ERUPTION où ARU hurle EXPLOSION-DE bombe où BENIEL tonne
* non FINIR de BRISER étreinte
On comprend alors que :
ARU est un titre.
Un port s’éloigne d’un monde qui vogue après sa séparation : un monde s’est séparé de son port d’attache, et vogue désormais, en sorte que le port semble s’éloigner de lui.
Toi égal (à moi, sommes) désormais étrangers.
Moi ne nous reverrai jamais (ensemble).
(Il y a) deux fracas : l’éruption (qui) hurle en Aru, l’explosion de la bombe (qui) tonne sur Béniel.
Ne finit pas de briser (notre) étreinte.
Le dernier verset semble contredire tout ce qui le précède : si notre étreinte n’en finit pas de se briser, comment se fait-il que nous soyons désormais étrangers l’un à l’autre, et que le port s’éloigne toujours du monde qui vogue à la dérive ? C’est pourtant bien ce que soutient le manuscrit, qui, dans ses contreparties en transcript 2 et 3, interprète ainsi ce passage :
n° 22
L’éruption qui près de moi en Aru hurle,
l’explosion de la bombe qui là-bas sur Béniel tonne,
deux fracas qui ne finiront pas de briser notre étreinte.
n° 24
L’explosion de la bombe qui près de moi sur Béniel tonne,
l’éruption qui là-bas en Aru hurle,
deux fracas qui ne finiront pas de briser notre étreinte.
Autres exemples d’enchâssements simples
a) Chapitre 11, n° 79
*DANSILSHUKUN
xxxvini
*IODIEVINE-KIT-ZIVER
xxxxxxmisaime snoutobre
*KED-KINETE-ZURI-VINIA
xxxmed marion iodievine
*TENEKIFRE-SADRIE
xxxxdabe-datsawima
*BRINE-EBRINIEE
xkit-amiche boua-avete
*ATRIZI-KATEV
xtubre-riz mirandashukun
*EGREVENE-MEDINETE ASSILE-SPIKEV
xxxxxize-kit-kouk dastre attana
soit :
*DANSILSHUKUN
xxxtitre
*ARCHIPEL-DEUX-BERCEAU
xxxxxxxfleurs snoutobre
*QUEL-PUÎNÉ-LE-SOIR-NOM
xxxxpour marion archipel
*ÉCOUTE-CHANTER
xxxxdabe-datsawima
*JOINT-PENSE-À
xdeux mains sœur-aînée
*LÀ-BAS-NON-ÊTRE
xseul-sur mirandashukun
*ÉTEND-ÉTREINT IMMENSE-ÉTINCELLE
xpuis-deux-bras paix monde
Dans ce texte, le « mot » minuscule : dastre, « paix », sépare exceptionnellement les deux « mots » du flux majuscule : MEDINETE et ASSILE, coupant le dernier verset en deux hémistiches. Cette césure indique que Marion, ÉTENDANT ses bras et (l’) ÉTREIGNANT // fait ÉTINCELER L’IMMENSITÉ du monde – parce qu’elle y apporte la paix.
Séparation des deux lignes de discours
NIVEAU MAJUSCULE
*DANSILSHUKUN
*ARCHIPEL-DEUX-BERCEAU
*QUEL-PUÎNÉ-LE-SOIR-NOM
*ÉCOUTE-CHANTER
*JOINT-PENSE-À
*LÀ-BAS-NON-ÊTRE
*ÉTEND-ÉTREINT // IMMENSE-ÉTINCELLE
Niveau minuscule
* titre
* fleurs snoutobre
* pour marion archipel
* dabe-datsawima
* deux-mains sœur-aînée
* seul-sur mirandashukun
* puis-deux-bras // paix // monde
Aucun des deux niveaux ne parvient à faire globalement sens à lui seul. Le fil majuscule du discours pourrait y parvenir si certaines précisions essentielles y avaient figuré (ce qui malheureusement donnerait lieu à plusieurs contresens d’interprétation) :
*DANSILSHUKUN
*ARCHIPEL DEUX snoutobre BERCEAU
*QUEL PUÎNÉ LE SOIR NOM
*ÉCOUTE CHANTER dabe datsawima
*JOINT PENSE À sœur aînée
*LÀ-BAS NON-ÊTRE
*ÉTEND deux bras ÉTREINT // paix // IMMENSE monde ÉTINCELLE
soit en extrapolant :
ARCHIPEL DEUXième, BERCEAU des Snoutobreξ
QUEL NOM PUÎNÉ ? – LE SOIR
ÉCOUTE CHANTER les Dabe Datsawima
reJOINT et PENSE À sœur aînée
LÀ-BAS NON-ÊTRE
ÉTEND deux bras ÉTREINT // IMMENSE monde ÉTINCELant
Il n’en va pas de même pour le niveau minuscule, et cela montre que, globalement parlant, le fil majuscule du discours conserve malgré tout une certaine prépondérance.
b) Chapitre 8, n° 53
*KAJUNDANIAL
xxxvini
*ADZIKE-KOTELEI-TELE
xxxie-tapie ni toue
*IE-TAPIE-DABETE
xxxxxxxkie-ani
*LITES-IE-TAPIE-OBZI
xxxxxxxxxxxxxxtrine
*NAZII-ADISE-HED-SEIMIRE
xxxxxxxxxxxxxxie tapie
*NAZII-ADISE-HED-VOPINE
xxxxxxxxxxxxxxie tapie
*NI-ZI-VA-TI-POVE
xtriziene tatin mendeche
soit :
*KAJUNDANIAL
xxtitre
*BIENQUE-COMMENCEMENT-FIN
xxtout-image et dans
*TOUT-IMAGE-COMMANDER
xxxxxxxxxxxne-pas
*CAR-TOUT-IMAGE-SI
xxxxxxxxxxxxxxxparle
*ENCORE-FAUT-IL-COMPRISES
xxxxxxxxxxxxxtout image
*ENCORE-FAUT-IL-ACCUEILLIES
xxxxxxxxxxxxxtout image
*ET-LÀ-OÙ-DE-REPOSE
xplacées trésor homme
Les deux niveaux de langue se déploient maintenant en alternance, se répondant l’un à l’autre comme deux complices qui, se coupant ou se redonnant sans cesse la parole, élaboreraient un unique discours commun. Cela est particulièrement évident dans le dernier verset :
ET
placées
LÀ OÙ
trésor
DE
homme
REPOSE
Dans les autres versets, la ligne du discours majuscule se réserve la part du lion, mais ne fournit pas à elle seule une signification d’ensemble. Dans trois des cinq versets centraux, le sujet des différentes propositions fait partie du niveau minuscule, tandis que presque tout le reste appartient au fil majuscule :
(2) *BIEN QUE tout-image COMMENCEMENT et FIN dans
(5) *ENCORE FAUT-IL tout image COMPRISES
(6) *ENCORE FAUT-IL tout image ACCUEILLIES
Dans les deux autres, l’apport des deux fils est plus égal, le mot « IMAGES » constituant à lui seul le niveau majuscule :
(3) *TOUT-IMAGE ne-pas COMMANDER
(4) *CAR TOUT-IMAGE parle SI
[ié-tapié, mot-à-mot : « tout-image », désigne une totalité d’images, un ensemble de « tableaux étranges »[3]. Il s’agit ici de « toutes les images » (contenues dans le manuscrit LaraDansil.]
2°) Enchâssements gigognes
(enbrassements proprement dits)
Les enchâssements gigognes se distinguent tout à fait, par leur structure, des enchâssements simples (qui, nous l’avons vu, s’apparentent à la parataxe). Ils n’opposent pas, comme les deux brins (inégaux) d’une tresse, les flux de langue majuscule et minuscule, mais construisent des structures, régulières ou non, dans lesquelles des « mots » ou des « membres de phrase » composites (certains de leurs éléments peuvent appartenir indifféremment à l’un ou à l’autre niveau de langue) enkystent un « membre de phrase » étranger.
Lorsqu’ils sont strictement hiérarchisées (lorsqu’ils sont successivement englobés les unes par les autres), ces enchâssements deviennent clairement gigognes, avec des structures régulières telles que celles-ci, qui comportent les quatre éléments, a, b, c, d :
a1 – b1 – c1 – d – c2 – b2 – a2
a1 – b – c1 – d – c2 – a2
a1 – b1 – c – d – b2 – a2
ou ont des structures irrégulières telles que par exemple :
a1 – b1 – c1 – d – a2 – b2 – c2 – a3.
En fait, la parataxe « à deux brins », qui à première vue semble plus simple et plus grossière que l’enchâssement gigogne, doit être traitée comme une forme particulièrement complexe d’enchâssement imbriqué. Dans l’enchâssement gigogne, chaque membre est susceptible d’être coupé en un petit nombre de morceaux, sauf celui qui, étant le plus intérieur, reste entier :
a1 – b1 – c1 – d – c2 – b2 – a 2.
Il y a ainsi, dans les enchâssements proprement dits, une hiérarchie entre les différents membres de phrases, celui du milieu étant le plus « profondément » incrusté au cœur des autres.
Dans la parataxe enchâssée en revanche, chaque membre global (il n’y en a jamais que deux, le flux majuscule et le flux minuscule) est fragmenté en un nombre indéterminé de morceaux, qui viennent s’amalgamer à un nombre tout aussi indéterminé de morceaux de l’autre niveau de langue, sans que l’on puisse dire, en cas d’équilibre entre les deux brins, quel est le membre « enchâssant » et le membre « enchâssé ». Ils sont alors si intimement incrustés l’un dans l’autre que le niveau majuscule du discours n’exerce plus aucune prépondérance.
Quelques exemples d’enchâssements gigognes
a) Chapitre 9, n° 61, versets 4-6
*
KAKUNDASIAL vini
*MENDECHE kie ne ani MIS iza KIS
*MENDECHE kie ne ani EREDUTE iza KISMIS kiete
*TOUZEE DUREE ame purniene TATIE TOUZEE meta ETCHI ATTANA tiv e KAVEI ETCHI
*TOUZE mendeche pove META
*IE nini mendeche TOUZE
*KAKUNDASIAL vini
*HOMME n’est pas UN mais DEUX
*HOMME n’est pas SOLITAIRE mais COUPLE jumeau
*MÊME TERRE venu partageant CHAIR MÊME pourtant CHAQUE MONDE va à DESTIN CHAQUE
*MÊME homme demeure POURTANT
*TOUS nous homme MÊME
Les versets 4-6 contiennent quatre enchâssements gigognes formant deux paires ; tous respectent la répartition en niveaux de discours, le cœur de chaque embrassement étant rédigé en caractères minuscules, et les « balises » gigognes en caractères majuscules :
(TOUZEE (DUREE (ame | purniene) TATIE) TOUZEE) meta (ETCHI (ATTANA (tiv e) KAVEI) ETCHI)
[(TOUZE (mendeche | pove) META)
(IE (nini | mendeche) TOUZE)]
(MÊME (TERRE (venu partageant) CHAIR) MÊME) pourtant (CHAQUE (MONDE (va à) DESTIN) CHAQUE)
[(MÊME (homme | demeure) POURTANT)
(TOUS (nous | homme) MÊME)]
soit :
1°)
TOUZEE TOUZEE
DUREE TATIE
ame | purniene
MÊME MÊME
TERRE CHAIR
venu | partageant
La répétition de la première balise : MÊME, met en rapport d’écho les termes de la seconde balise : TERRE / CHAIR. La symétrie interne de l’embrassement adresse d’autre part le verbe : amé, à la terre (DUREE), et le verbe purniêré, à la chair (TATIE). Et c’est là qu’une ambiguïté est susceptible de faire son apparition : amé est aussi bien un participe passé qu’un infinitif, en sorte que j’aurais pu traduire ce mot par « venir », au lieu de « venu ». Mon choix s’explique par la présence de purniêré, dont le sens m’a été fourni par la seule « version anglaise » du manuscrit, qui nous dit :
So Out of A SINGLE EARTH,
partaking A SINGLE FLESH
C’est pourquoi issu d’UNE SEULE TERRE,
participant d’UNE SEULE CHAIR
J’ai donc suivi cette leçon, et rendu, dans ce passage en transcript 1, amé, « out of », par : « venu de ». Mais j’aurais pu tout aussi bien écrire :
MÊME MÊME
TERRE CHAIR
venir | partager
une traduction suggérant plus clairement que « (ceux qui) vien(nen)t (de la) même terre partagent (la) même chair ».
2°)
ETCHI ETCHI
ATTANA KAVEI
tiv | e
CHAQUE CHAQUE
MONDE DESTIN
va | à
(Dans cet embrassement, la succession : CHAQUE MONDE, ne pose pas de problème particulier ; la séquence : DESTIN CHAQUE, est en revanche plus énigmatique. La disposition particulière en « balises » (avec répétition du mot : CHAQUE, et mise en parallèle des mots : MONDE et DESTIN, permet bien entendu de « rétablir » l’ordre plus syntaxique : CHAQUE MONDE va à CHAQUE DESTIN. Mais la sens de cette proposition pourra malgré tout sembler quelque peu énigmatique. Cela est dû, non au caractère bizarre de l’énantien, mais aux choix du traducteur : le mot ETCHI a toujours, dans le Codex espeniensis, le sens de : « chaque », que j’ai désiré conserver ici. Mais j’aurais peut-être mieux fait de sacrifier la rigueur à la clarté et écrire :
UN UN
MONDE DESTIN
va | à
ou :
TEL TEL
MONDE DESTIN
va | à
le sens étant clairement de toute manière clairement : « chaque monde va à un destin qui est le sien ».)
3°)
TOUZE META
mendeche | pove
MÊME POURTANT
homme | demeure
4°)
IE TOUZE
nini | mendeche
TOUS MÊME
nous | homme
Une particularité de ces deux versets est que la nature des « bornes » employées les relie en une sorte de double embrassement parallèle (qui sont des embrassements simples) — à la manière du quatrième verset. Le terme : MÊME, ouvre en effet la première parenthèse et ferme la seconde, tandis que les bornes moyennes sont complètement différentes avec la paire : POURTANT / TOUS.
La réalité de ce parallélisme ne saurait pourtant être mise en doute : le « cœur » des deux embrassements répète cette structure, avec répétition des termes extrêmes (homme) et mise en écho de termes moyens complètement différents : demeure / nous. Or nous pouvons assimiler ces termes du simple fait qu’ils se renforcent en fait les uns les autres avec :
MÊME TOUS/POURTANT
homme | demeure/nous
TOUS/POURTANT MÊME
xxxxxxxxxxxnous/demeure | homme
avec la répétition de la même phrase dans un ordre inversé :
(un) MÊME homme (nous) demeur(ons) TOUS POURTANT
TOUS POURTANT (nous) demeur(ons) (un) MÊME homme
Enfin, les versets 2 et 3 contiennent un enchâssement simple (une parataxe alternée) avec un mot supplémentaire à la fin du verset 3 : kiete, « jumeau », qui reprend KISMIS, « COUPLE »
*HOMME n’est pas UN mais DEUX
*HOMME n’est pas SOLITAIRE mais COUPLE jumeau
HOMME
n’est pas
SOLITAIRE
mais
COUPLE
jumeau
b) Chapitre 5, n° 27
*AGRU vini
*(RES MEDINE (kite meche) RES UMEZETUBRE)
*KIT BOUA prove ubree ONE ka voprestitee ATTANA KIT mache KIE KE KAVE med GRIVINI tanire AZANIRE
*MED CIDE etchi attana KAVEI voprestitee bei
*AGRU titre
*(S’ÉTREINDRE (deux mains) SE SÉPARENT)
*DEUX SŒUR jadis unies SONT qui désormais MONDE DEUX pouvoir NE QUE AUTRE pour ÉPARGNER prendre MALHEUR
*POUR CELA chacun monde DESTIN désormais sien
verset 2
RES MEDINE RES UMEZETUBRE
kite meche
S’ÉTREINDRE SE SÉPARER
deux mains
L’embrassement ici est simplissime : le « cœur » formé par kité mêché, « deux mains », renvoie aux deux « bornes » parallèles : RÈS MÉDINÉ, « S’ÉTREINDRE », et : RÈS UMÉZÊTUBRÉ, “ SE SÉPARER ».
verset 3
[DEUX SŒUR [jadis unies [SONT (qui) désormais MONDE DEUX] pouvoir NE QUE [AUTRE [pour ÉPARGNER] [prendre MALHEUR]]]
La structure d’enchâssement gigogne, beaucoup plus complexe et irrégulière que la précédente, s’émancipe cette fois totalement de la division en niveaux de discours, avec le système :
a1 – (ba – bb1 – c – bb2) – a2 (d – ea – eb)
a : DEUX SŒUR | pouvoir NE QUE
ba : jadis unies
bb : SONT | désormais MONDE DEUX
c : qui
d : AUTRE
ea : pour ÉPARGNER
eb : prendre MALHEUR
deux sœurs |
– qui
jadis unies
– qui
sont désormais deux mondes
[c’est ce que j’appelle par ailleurs « la séparation des îles »]
| ne peuvent que :
pour épargner
– autre
prendre malheur
– de autre
[et c’est ce que j’appelle « l’échange des catastrophes »]
Le verset 4 quant à lui est structuré en tant que parataxe alternée simple :
NIVEAU MAJUSCULE
POUR-CELA-DESTIN
Niveau minuscule
chacun-monde désormais sien
avec :
POUR CELA
chaque monde
DESTIN
désormais sien
c) Chapitre 7, n° 45 (surtout pour les versets 2 et 3)
*KAJUDENIAL vini
*LARA prove ATTANA e vrouch TRANE mizena FIMEZE voprestite KIT
*KIETRANE KAJU fimeze fimezene DENIAL UMEZETUBRE
*denial PAREZIEBERIME imizi ima VAKIZE iecenei PAREZIEDASSINIE lara BETENIS BETECIS beniel
*KAJUDÉNIAL titre
*LARA avant MONDE à travers PASSER porte MORT désormais DEUX
*NON-PASSER KAJU morte mourante DÉNIAL SÉPARER
*dénial PERMETTRE-REVENIR sous ciel OÙ-QUOI toute beauté PERMETTRE-GARDER lara CELLE-CI CELLE-LÀ béniel
verset 2
LARA DEUX
xxxavant désormais
MONDE MORT
xà travers porte
xxxxPASSER
Cette fois, l’enchâssement fait alterner, mot après mot, flux majuscule et minuscules, en sorte que l’on a un composé parfait des deux méthodes d’enchâssement, l’alternance et l’embrassement. Le déroulement de la phrase en trois moments devient parfaitement clair à condition de prendre en compte l’effet de contraste inclus dans les « balises » tenant lieu de parenthèses. Ainsi le duo : LARA / DEUX, signifie que l’île du début était aussi UNE ; et le duo : MONDE / MORT, que son MONDE était VIVANT, mais qu’il a trouvé la MORT dans son dédoublement. Et nous apprenons enfin qu’il est PASSÉ à travers une porte (une tranéï).
[Le déroulement linéaire de la phrase ainsi reconstituée pourrait laisser entendre que le MONDE de LARA est PASSÉ à travers les portes de la MORT, mais cette interprétation est exclue par le fait qu’il s’agit d’un embrassement doublé de parataxe alternée, et non d’une structure unidimensionnelle ordinaire.]
verset 3
NON-PASSER SÉPARER
xxxxKAJU DÉNIAL
xxmorte | mourante
Nous sommes coutumiers de ce type d’embrassement, déjà maintes fois rencontré.
Le sens est que KAJU (auparavant LARA), l’île morte, N’EST PAS PASSÉE (par la tranéï), à la différence de DÉNIAL, l’île mourante, bien que pourtant ce soit BÉNIEL (maintenant DÉNIAL) qui s’est SÉPARÉE de LARA, et non l’inverse.
verset 4
On trouve ici une structure d’enchâssement particulièrement complexe, qui cependant respecte à sa façon la distinction entre flux majuscule et minuscule du discours :
dénial
PERMETTRE-REVENIR OÙ
sous ciel
||
QUOI PERMETTRE-GARDER
toute beauté
||
lara béniel
CELLE-CI | CELLE-LÀ
La structure est la suivante :
a – b1 – c – [b2 — b3] – d – b4 – e1 – f – e2
a : dénial
b : PERMETTRE-REVENIR / OÙ || QUOI / PERMETTRE-GARDER
c : sous ciel
d : toute beauté
e : lara / béniel
f : CELLE-CI | CELLE-LÀ
Les enchâssements e et f se greffent sur l’enchâssement d : « toute beauté », et répondent à la question : la beauté de qui ? — Réponse : aussi bien celle de Lara que celle de Béniel (CELLE-CI | CELLE-LÀ). Toutes ces beautés, réunies, pourront en effet revenir et être préservées sous le ciel de la seule île puînée de Dénial, transférée dans un univers où sa vie sera sauve, tandis que Kaju (anciennement Lara), l’île déjà morte, « n’est pas passée » à travers la tranéï, n’a pas utilisé le miza qui aurait pu l’amener sur la Terre (et sans doute, comme sa consoeur, quelque part dans l’océan Pacifique).
[1]. Lorsque ces adjonctions sont composées de plusieurs mots, ceux-ci se trouvent toutefois, comme dans les colonnes majuscules, collés les uns aux autres.
[2]. On ne sait pas en revanche, considérant ce seul niveau de discours, qui est « tu » et qui est « je ».
[3]. Voir, pour le mot tapié : Hélène Smith, texte n° 32.















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