Harald Langstrøm
Le contenu du manuscrit LaraDansil ne nous est que depuis peu directement accessible : jusqu’à ce que j’identifie, il y a deux ans, la langue qui y était employée comme étant l’Énantien (ou, ce qui revient au même, l’Espénien d’Hélène Smith), ses possesseurs (ainsi que les visiteurs du Fairfaith museum) devaient se contenter d’en observer les illustrations, et prendre connaissance de sa « traduction anglaise ».
Et pour autant que Raymond Lumley ait pu s’en assurer, aucun des membres de la famille Fitzhubert/Waybourne/Lumley n’est parvenu à mettre en rapport les paragraphes de cette « traduction » avec les différents blocs de textes figurant dans le manuscrit original. Il était par conséquent difficile au colonel Gaspar Fitzhubert, à Jenaveve McCraw, à sa fille Sara Fitzhubert-Waybourne ou à l’une ou l’autre de ses quatre petites-filles, d’appréhender quels rapports entretiennent, dans le manuscrit LaraDansil, textes et illustrations.
Il leur aurait pourtant été possible de s’apercevoir que, puisque les textes en transcripts 2 et 3 des quatre premiers chapitres étaient composés d’un même nombre de mots, eux-mêmes composés d’un même nombre de lettres, il s’agissait très vraisemblablement là de la contrepartie, plusieurs fois répétée à l’identique, des quatre premiers paragraphes de la « traduction » anglaise. Et cela aurait pu être un fil d’Ariane qui leur aurait permis d’établir une exacte corrélation entre ces deux séries de textes.
Mais n’étant pas en mesure de déterminer dans quelle langue les textes du manuscrit étaient rédigés, il leur aurait été de toute manière impossible de procéder à une véritable traduction de ces originaux. Ils n’auraient donc pu découvrir que, dans le chapitre 11 par exemple, là où la version anglaise affirme :
twisted fingers clutching the skies
out of drained waters
« doigts tors griffant les cieux
hors des eaux asséchées »
le manuscrit dit :
TORDU DRESSÉ mains deux doigts
*VERS ciel IMMOBILE flot HORS
n° 73
et :
ces doigts tordus dressés vers le ciel
hors des flots immobiles
n° 75
et que, lorsque la traduction anglaise propose :
joins her/his hands, remembering elder sister/brother
unbeing out there in MirandaShukun,
then stretches her/his arms out and embraces
the peaceful hugeness of her/his everlasting world.
« joint les mains, se rappelant sa/son sœur/frère aîné(e),
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
la paisible immensité de son monde éternel. »
le manuscrit opte de son côté pour :
Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant
n° 77
et :
*JOINT les mains PENSE À sœur aînée
*LÀ-BAS seul sur NON-ÊTRE mirandashukun
*ÉTENDRE puis deux bras ÉTREINT // paix // IMMENSE de monde ÉTINCELLE
n° 79
La découverte que la langue utilisée par le manuscrit était le « martien » d’Hélène Smith (ainsi que de l’« énantien » du Codex espeniensis et du Cahier énantien, etc.) a donc bien été un pas en avant décisif : il m’a été à partir de là possible de transcrite tous les textes du manuscrit LaraDansil en alphabet latin, puis d’en effectuer une traduction complète, me référant pour cela aux lexiques énantiens disponibles (et en ayant bien entendu recours, lorsque cette première voie se révélait défaillante, à ce que la version anglaise pouvait m’enseigner).
Pour donner au lecteur une idée de la nature du travail auquel je me suis livré, j’expliciterai ici, à titre d’exemple (ou pour mieux dire d’échantillon), la manière dont j’ai restitué le sens des textes n° 35, chapitre 6, et n° 67, chapitre 10, tous deux rédigés en transcript 1. On pourra ainsi vérifier que je me suis le plus souvent référé aux textes énantiens déjà connus, bien que n’hésitant pas, lorsque cela s’avérait utile et nécessaire, à avoir très recours à la « traduction » anglaise.
1
Chapitre 6, n° 35, transcript 1
*AJUBENIAL vini
*tou FIMESE AJU ka res rondolfe IMIZI ze ima TI pragkapri MAPRI kangk balbe FIB VRADTEN ti poeneze CROUP nikodie bestialene MAPRI RIZ ze iepriani LAMEE ze kalfie katave
*tou FIMESENE BENIAL ka kliere IMIZI zi pechkapri TI valch MAPRI braganikodie sablene BRAKS zi NIPURAI ti poeneze RIZESSAT kinavet peche MAPRI RIZ zi modie FUBRIRENE e badeni TI zi azanipalir
*zi misee ZENO ietouarfrir TOUZE ANI kliarvie TI pragkapri RIZ zi tapie TE kangk
*zi kave BLOUAZEE bounie chaltri toue ZI DIZENEI ti misee kaltrave VA zi nikliourei ANI TOUZE ebuniale
*AJUBENIAL titre
*en MORT AJU qui s’effondre SOUS le ciel DE suie ENTRE rocher nu DOIGT TORDU de quelque RUINE mare saumâtre ENTRE SUR l’océan JUSQU’A l’horizon vide
*en MOURANT BENIAL qui sombre SOUS la cendre DE lave ENTRE rivière bouillante CRI de EFFROI de quelque SURVIVANT buisson séché ENTRE SUR la mer OUVERTE au vent DE la tempête
*l’une DEJA consumée MEME PAS silhouette DE suie SUR le tableau DU rocher
*l’autre EFFAREE chercher refuge dans LA PROFONDEUR de une grotte OÙ l’obscurité PAS MEME rafraîchir
Premier verset
Traduction anglaise :
rock bare TWISTED FINGER RUINS breaking through PUDDLES brackish DEAD already AJU collapses BETWEEN soot sky AND bitter ocean UP TO empty horizon
rocher nu DOIGT TORS RUINES perçant LES MARES d’eau saumâtre MORT déjà AJU s’effondre ENTRE ciel de suie ET océan d’amertume JUSQU’À l’horizon vide
Texte du manuscrit :
tou FIMESE AJU ka res rondolfe IMIZI ze ima TI pragkapri MAPRI kangk balbe FIB VRADTEN ti poeneze CROUP nikodie bestialene MAPRI RIZ ze iepriani LAMEE ze kalfie katave
en MORT AJU qui s’effondre SOUS le ciel DE suie ENTRE roc nu DOIGT TORDU de quelque RUINE mare saumâtre ENTRE SUR l’océan JUSQU’A l’horizon vide
A. Verbes, substantifs et adjectifs dont le sens n’est fourni que par la traduction anglaise :
rondolfé : to collapse – s’effondrer.
pragkapri : soot – suie (de : kapri, noir, et peut-être : prag, gras).
kangk : rock – roc, rocher.
balbe : naked – nu.
fib : finger – doigt.
vradten : tordu.
croup : ruin – ruine.
nikodi : puddle – flaque, mare (de : petit, nike, et : eau, odi).
bestialene : brackish – saumâtre.
kalfié : horizon.
B. Verbes et substantifs antérieurement attestés chez Hélène Smith et/ou dans le Codex espeniensis:
– fimésé
Hélène Smith :
« ané sini i astané cé fimès astané mirâ »
C’est vous, ô Astané, je meurs ! Astané, adieu !
texte 12, 23 mai 1897.
Codex espeniensis, p. 56, lignes 5-6 :
zé tarviné ti zi termazi
né zi fimézé té tarvini
Le signe de la contrainte
est la mort du langage.
Voir aussi, au 2ème verset de ce même texte : FIMESENE, « mourant ».
– zé ima
Hélène Smith :
« ané éni ké éréduté cé ilassuné té imâ ni bétiné chée durée »
C’est ici que, solitaire, je m’approche du ciel et regarde ta terre.
texte 9, 24 février 1897.
– poénêzé
Hélène Smith :
« i modé duméïné modé kévi cé mache povini poénêzé mûné é vi… »
Ô mère, ancienne mère, quand je peux arriver quelques instants vers toi…
texte 11, 14 mars 1897.
– ze iépriâni
Hélène Smith :
« zé priâni é fouminé ivraïni »
Le flot est puissant aujourd’hui.
texte 27, septembre-octobre 1898.
*ié-priani est formé de : flot, priâni, et de : tout, ié).
– katavé
Hélène Smith :
« ti iche cêné éspênié ni ti êzi atév astané êzi érié vizé é vi… »
De notre belle Espénié et de mon être Astané, mon âme descend à toi…
Texte 6, 13 décembre 1896.
Et aussi : Texte 7, 15 décembre 1896, etc.
Codex espeniensis, p. 18, ligne 3 :
Iéttanâ né katâvé
L’univers est vide
Le terme intermédiaire permettant de passer de atév, « l’être », à : katâvé, « vide », et à : zé katêv, « le néant », est le k- privatif (qui se retrouve par exemple dans : kié… ani…, « ne… pas… »).
Deuxième verset
Traduction anglaise :
boiling river dried bush DREADFUL SCREAM shouting SURVIVOR DYING BENIAL sinks UNDER ash AND lava ON sea TO wind AND storm WIDE OPEN
rivière bouillante buisson séché CRI HORRIBLE SURVIVANT qui hurle BENIAL MOURANT sombre SOUS cendre ET lave SUR la mer OFFERTE AU vent DE la tempête
Texte du manuscrit :
tou FIMESENE BENIAL ka kliere IMIZI zi pechkapri TI valch MAPRI braganikodie sablene BRAKS zi NIPURAI ti poeneze RIZESSAT kinavet peche MAPRI RIZ zi modie FUBRIRENE e badeni TI zi azanipalir
en MOURANT BENIAL qui sombre SOUS la cendre DE lave ENTRE rivière bouillante CRI de EFFROI de quelque SURVIVANT buisson séché ENTRE SUR la mer OUVERTE au vent DE la tempête
A. Verbes, substantifs et adjectifs dont le sens est fourni par la seule traduction anglaise :
kliere : to sink – sombrer.
zi pechkapri : the ash – la cendre [contient l’adjectif : kapri – « noir »].
valch : lava – lave.
braganikodi : river – rivière, composé à partir du verbe : bragané – « courir », de l’adjetif : niké – « petit », et du substantif : odi – « eau ».
sablene : boiling – bouillant.
braks : scream – cri.
kinavet : bush – buisson.
pêché : dried – séché.
zi modie : the sea – la mer.
B. Verbes et substantifs attestés chez Hélène Smith et/ou dans le Codex espeniensis:
– fimézêné : dying – mourant (voir le verset précédent)
– nipurâï : dreadful – effroi
Codex espeniensis, p. 22, lignes 2-2 :
med pitès kâ
tanérié ti nipurâï…
pour celui qui
saisi de crainte…
– rizessat : survivor – survivant, composé de : riz – « sur », et : éssaté : « vivre ».
Hélène Smith :
« cé ténassé riz iche Espénié vétéche i éché atèv hêné ni pové ten ti si »
Je voudrais sur notre Espénié voir tout ton être s’élever et rester près de moi.
texte 7, 15 décembre 1896 – 17 janvier 1897
« Matêmi misaïmé kâ lé umez essaté »
Matêmi, fleur qui me fais vivre.
texte 20, 28 novembre 1897
– fubrirene : wide open – ouverte
Codex espeniensis, p. 46 :
forzimée zée otadiséeξ li zéekédée
zée machéex amé é zi animinâ
zée messtiziξ té attanâ
fubririé tié viséïξ ni tié hênéïξ
Décrivant les conditions grâce auxquelles
les possibles viennent à l’existence,
les dimensions du monde
ouvrent des voies qui montent et qui descendent
– zé badeni : – the wind – le vent
Hélène Smith :
« tès ouiti ké zé badêni lassuné mazi trimazi »
Ce bateau que le vent rapproche avec force.
texte 27, 4-16 octobre 1898
– zi azanipalir : the storm – la tempête, formé de : azânié – mauvais, et : palir – temps
Hélène Smith :
« zé palir né amé »
Le temps est venu.
texte 14, 18-20 juin 1897
Codex espeniensis, p. 30, lignes 1-4 :
pitès kâ taniré
zi hênéï té azânié
suré ké zé attanâ né
azânié zouvrach ké gudé
Celui qui emprunte
la voie qui descend du mal
croit que le monde
est mauvais plutôt que bon.
Codex espeniensis, page 30
Troisième verset
Traduction anglaise :
the first one is ALREADY consumed, NOT EVEN shape OF dirt ON board OF rock;
la première DÉJA consumée PAS MÊME une forme DE poussière À la surface DES rocs
Texte du manuscrit :
zi misee ZENO ietouarfrir TOUZE ANI kliarvie TI pragkapri RIZ zi tapie TE kangk
l’une DEJA consumée MEME PAS silhouette DE suie SUR le tableau DU rocher
A. Verbes, substantifs et adjectifs dont le sens est fourni par la seule traduction anglaise :
zéno : already, déjà.
ietouarfrir : consumed, consumé.
kliarvie : shape, silhouette.
pragkapri : soot – suie (de : kapri, noir, et peut-être : prag, gras) – cf. premier verset.
kangk : roc, rocher
B. Verbes et substantifs attestés chez Hélène Smith et/ou dans le Codex espeniensis:
– zi tapié : the board, le tableau.
Hélène Smith :
« bétinié tès tapié ni bée atèv kavivé »
Regarde ce « tapié » et ses êtres étranges.
texte 32, 2 novembre – 18 décembre 1898
Explication de Théodore Flournoy : « Hélène a la vision matinale d’un martien qui lui entoure la taille de son bras et de l’autre main lui montre, en lui disant ces paroles, un tableau étrange renfermant des êtres extraordinaires »,
Des Indes…, p. 218.
Quatrième verset
Traduction anglaise :
the other one ASTOUNDED is shelter seeking in THE abyss DEEP WHERE darkness DON’T restore.
L’autre HÉBÉTÉE cherche refuge LOIN dans L’abîme OÙ l’obscurité ne réconforte pas.
Texte du manuscrit :
zi kave BLOUAZEE bounie chaltri toue ZI DIZENEI ti misee kaltrave VA zi nikliourei ANI TOUZE ebuniale
l’autre EFFAREE chercher refuge dans LA PROFONDEUR de une grotte OÙ l’obscurité PAS MEME rafraîchir
A. Verbes, substantifs et adjectifs dont le sens est fourni par la traduction anglaise :
blouazée : astounded – effarée.
chaltri : shelter – refuge.
kaltravé : cave – grotte [appartient peut-être à la même famille que : Codex espeniensis, p. 18, ligne 3 : « Iéttanâ né katâvé » – L’Univers est vide.].
zi nikliouréï : darkness – l’obscurité.
ébunialé : to restaure – rafraîchir.
B. Verbes et substantifs attestés chez Hélène Smith et/ou dans le Codex espeniensis:
– zi kavé : the other one – l’autre.
Codex espeniensis, p. 60, lignes 1-5 :
ni téri étchée machêtir ti atêv
triné é ti kavée machêtirx ti atêv
iéex zée machêtirx ti atêv
ti avivié toua vicié med télé
res triné sée misée inée kavée »
Et comme chaque possibilité de l’être
parle à d’autres possibilités de l’être,
toutes les possibilités de l’être
de proche en proche pour finir
se parlent les unes aux autres.
Voir aussi au verset précédent : « kavivé » : étranges.
– bounié : to seek – chercher.
Hélène Smith :
« é vi ti bounié séïniré ni triné »
A toi de chercher, comprendre et parler.
texte 21, 15 janvier – 13 février 1898.
« Astané bounié zé buzi ti di triné nâmi »
Astané cherche le moyen de te parler beaucoup.
texte 37, 24 mars – 4 juin 1899
– zi dizênéï : the abyss – l’abîme, la profondeur.
Hélène Smith :
« Ramié ébanâ dizénâ zivênié »
Ramié lentement profondément étudie.
texte 40, 4 juin 1899
2
Chapitre 10, n° 67, transcript 1
*SHAKUNDANSIAL vini
*TRANEI ti PALIR manivi MANITRASEI kaprinie NI haudangatei
*PROVETRANEI larashakun IEBROUKE ne fimeze
*KITETRANEI benieldansial TUBRE ne essav
*TESEKIT boua teri AVETE KINETE
*TESEKIT boua teri MENDECHE MENDECHE
*TESEKIT boua teri MEDACHE MEDACHE
*TESEKIT boua teri ENANTIA ENANTIA
*TESEKIT boua teri BENIEL BENIEL
*SHAKUNDANSIAL vini
*VOIE du TEMPS multiple LABYRINTHE sortie ET cul-de-sac (prison)
*PREMIERE VOIE larashakun MUTILEE est mort
*SECONDE VOIE benieldansial SEULE est vie
*CES DEUX frère/sœur comme AINE PUINE
*CES DEUX frère/sœur comme HOMME HOMME
*CES DEUX frère/sœur comme FEMME FEMME
*CES DEUX frère/sœur comme ENANTIA ENANTIA
*CES DEUX frère/sœur comme BENIEL BENIEL
a) La voie des temps (TRANEI ti PALIR, ou : zi tranéï tié palirξ) est manivi MANITRASEI, « multiple LABYRINTHE »
– nâmi – beaucoup
Hélène Smith :
« Ramié ti trinir tié toumaξ ti bé animinâ ni tiche di uzir nâmi ti Espênié »
Ramié te parlera des charmes de sa existence et bientôt te dira beaucoup de Espénié.
texte n° 31, 27 octobre-18 décembre 1898
A ce terme se rattachent :
mânivi – « multiple »
mâniviré – « multiplier »
mâniviréï – « multitude », ou : « multiplication »
mânizaki – « troupeau » (de : nombreux, et : animal)
On a ainsi :
izâ med animiné
tou sanâ kê éfiness
Iéttanâ tié machétirξ
kâ né Iéttanâ ti zi mâniviréi
pimessipie tié attanâξ
otésé kalténas rès stité
umêzétubré té ubré
otésé kalténas rès stité
ine kavitubré té Pitmesstrizi
Mais pour exister
en tant que réalité,
l’Univers des possibles
qui est l’Univers de la multiplicité
infinie des mondes,
<doit> < précairement ? > se < maintenir ? >
séparé de l’un,
<doit> < précairement ? >se < maintenir ? >
dans l’étrangeté du Sans-dimension.
Codex espeniensis, page 62
ti kizé triné
zée tarvinéξ tié mendècheξ
zée tarvinéξ tié mendècheξ
triné ti zi érédutéi –
zée tarvinéξ tié mendècheξ
triné tié mânizakiξ –
zée tarvinéξ tié mendècheξ
triné ti zi érédutéi
té mendèche toué bi mânizaki
De quoi parlent
les langues des hommes ?
Les langues des hommes
parlent de la solitude –
les langues des hommes
parlent des troupeaux –
les langues des hommes
parlent de la solitude
de l’homme dans son troupeau.
Codex espeniensis, p 42
— Le substantif verbal : traséï (issu du verbe : trasé), est peut être en rapport avec : trané, « passer » – tranéï, « passage, porte », comme : nâmi, « beaucoup », est en rapport avec : mânivi, « multiple » – mâniviré, « multiplier » – mâniviréï, « multitude », « multiplication ».
b) Le mot énantien : haudangatei, employé pour caractériser l’une des voies issues de la fourche des temps, contient le mot : haudan, « maison », attesté chez Hélène Smith :
« dodé né ci handan té mess métiche Astané ké dé mé véche »
Ceci est la maison du grand homme Astané que tu as vu.
texte 2, 20 septembre-2 novembre 1896
La signification du mot : gatéï, nous reste malheureusement obscure. On trouve celui-ci employé à la page 39 du Codex espeniensis, dans un contexte lui-même, hélas ! fort énigmatique :
zée tarvizéξ tié mendècheξ
oné tié tarvizéξ kovrovê –
ni med tésée kantièré
zée tarvizéξ tié mendècheξ
zoufrifê pitèsé kâ zée triné
zée tarvizéξ tié mendècheξ
oné tié tarvizéξ kovrovê –
ni med tésée kantièré
zée tarvizéξ tié mendècheξ
knitiéré tié gatéiξ
gatiéré tié kiteiξ
Les signes des hommes
sont des signes arbitraires –
et pour cette < raison >
les langues des hommes
< baillonnent > ceux qui les parlent.
Les signes des hommes
sont des signes arbitraires –
et pour cette < raison >
les langues des hommes
< ? > des < ? >,
< ? > des < ? >.
Les deux dernières lignes contiennent les couples : gatéï/gatiéré et kitéï/kitiéré, avec le chiasme : knitiéré tié gatéiξ et gatiéré tié kiteiξ.
Il y a tout lieu de penser que les substantifs : gatéï et kitéï sont régulièrement formés à partir des verbes *gaté et *kité, tout comme hênéï et viséï (« la montée » et « la descente ») sont formées à partir des verbes : hêné et visé (« monter » et « descendre »). Nous aurions ainsi deux trios sémantiques dérivés selon une ordre réflexif : verbe/nom/verbe :
*gaté/gatéï/gatiéré
*kité/kitéï/kitiéré.
Le contexte du Codex espeniensis nous indique de plus que « les langues des hommes / < baillonnent > ceux qui les parlent ». Les deux racines contenues dans *gaté et *kité appartiennent très probablement au même cercle de préoccupations.
Les deux idées de « maison » et d’« entrave », qui composent notre : haudan-gatéï, peuvent alors être confrontées au reste de la première phrase du n° 67 :
*TRANEI ti PALIR manivi MANITRASEI kaprinie NI haudangatei
*PROVETRANEI larashakun IEBROUKE ne fimeze
*KITETRANEI benieldansial TUBRE ne essav
*VOIE du TEMPS multiple LABYRINTHE sortie ET haudangatei
*PREMIERE VOIE larashakun MUTILEE est mort
*SECONDE VOIE benieldansial SEULE est vie
Dans un labyrinthe, la « sortie », l’« issue » qui libère s’oppose au « cul de sac » qui emprisonne. Or l’île de Lara (devenue Shukun) constitue bel et bien, pour les êtres vivants, un cul de sac (un deadend), tandis que Béniel (devenue Dansil) offre au contraire à Marion Waybourne et à « tous les Snoutobreξ » une planche de salut, une porte de sortie. De là ma double proposition de traduction pour haudangatéï : « maison de confinement », « prison », et/ou : « cul de sac ».
Et je serais tenté de penser que, si le verbe gaté signifie : « confiner », et le substantif gatéï : « confinement », le verbe gatiéré, a peut-être le sens de : « séquestrer », « mettre un prisonnier au secret », etc.
La version anglaise :
TIME’S PATH multifold LABYRINTH
way out AND dead end.
Larashakun, FIRST PATH,
MAIMED and already DEAD.
Benieldansial, SECOND PATH,
LONE remaining ALIVE.
LA VOIE DU TEMPS : LABYRINTHE feuilleté,
échappée ET cul-de-sac.
Larashakun, PREMIÈRE VOIE,
MUTILÉE et déjà MORTE.
Benieldansial, DEUXIÈME VOIE,
SEULE restant VIVANTE.
privilégie quant à elle l’interprétation issue du contexte immédiat (le labyrinthe temporel) plutôt que celle suggérée par le Codex espeniensis (la maison de confinement, la prison).










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