Harald Langstrøm
Version anglaise
KAJUNDANIAL
THOUGH images at BEGINNING and END stand,
IMAGES don’t RULE.
IMAGES order –
but STILL is it necessary them to be UNDERSTOOD,
STILL is it necessary them to be WELCOMED,
and them to be put WHERE all treasures OF man LIE.
The mother, who not a mother was,
because she had the image seen,
and because she could do it,
first went on Denial, and saw that Denial
now was silent, waste and lifeless earth.
The mother, who not a mother was,
because she had the image seen,
knew what had been, what would be,
and so blessed it to be.
But the mother, who not a mother was, needed help.
KAJUNDANIAL
BIEN QUE des images au COMMENCEMENT et à la fin se tiennent,
les IMAGES ne DÉCIDENT pas.
Les IMAGES ordonnent –
mais ENCORE est-il nécessaire qu’elles soient COMPRISES,
ENCORE est-il nécessaire qu’elles soient LES BIENVENUES,
et qu’elles soient placées LÀ OÙ SE TROUVENT les trésors DE l’homme.
La mère, qui n’était pas une mère,
parce qu’elle avait vu l’image,
et parce qu’elle pouvait le faire,
d’abord se rendit sur Dénial, et vit que Dénial
était désormais une terre silencieuse, inculte et sans vie.
La mère, qui n’était pas une mère,
parce qu’elle avait vu l’image,
sut ce qui avait été, ce qui serait,
et accepta dans son cœur que cela fût ainsi.
Mais la mère, qui n’était pas une mère, eut besoin d’aide.
Manuscrit 53-60
LES TEXTES
N° 53
*KAJUNDANIAL vini
*ADZIKE ie tapie KOTELEI ni TELE toue
*IE TAPIE kie ani DABETE
*LITES IE TAPIE trine OBZI
*NAZII ADISE HED ie tapie SEIMIRE
*NAZII ADISE HED ie tapie VOPINE
*NI triziene ZI VA tatin TI mendeche POVE
*KAJUNDANIAL vini
*BIEN QUE images COMMENCEMENT et FIN dans
*IMAGES ne pas COMMANDER
*CAR IMAGES parlent SI
*ENCORE FAUT-IL images COMPRISES
*ENCORE FAUT-IL images ACCUEILLIES
*ET placées LÀ OÙ trésor DE homme REPOSE
N° 56
zi mode ka kie ne ani mise mode,
liteske hede e veche zie tapiex,
litesque hede é ze taka,
ie vopre ne ame riz Denial, ni e veche ke Denial eviai
duree dandale, duree katavee, duree pit essav.
La mère qui n’est pas une mère,
parce qu’elle avait vu les images,
parce qu’elle en avait le pouvoir,
tout à la fin vint sur Denial, et vit que Denial était
terre silencieuse, terre vaine, terre sans vie.
N° 58
zi mode ka kie ne ani mise mode,
liteske hede e veche zie tapiex,
e pocrimee tes ka e nie, tes ka otese nieve,
ni e tenassene ke cide nieve.
iza zi mode ka kie ne ani mise mode emiei tibra ti godan.
La mère qui n’est pas une mère,
parce qu’elle avait vu les images,
sut ce qui avait été, ce qui devait être,
et voulut que cela fut.
Mais la mère qui n’est pas une mère avait besoin d’aide.
LES ILLUSTRATIONS
Elles confortent le peu que nous pouvons affirmer en ce qui concerne l’ultime destin de Jenaveve McCraw.
N° 57
Nous trouvons ici une première représentation de Hanging Rock, qu’on comparera à la récente photo d’une des formations rocheuses situées à son sommet, appelée: « les trois soeurs » :
N° 57
Hanging Rock, les Trois Sœurs
Dans le manuscrit, l’image est superposée à des volutes de formes et de couleurs fluctuantes (dont la dominante est cependant le vert), suggérant peut-être que cette formation rocheuse s’ouvre en certaines circonstances sur d’autres temps et d’autres lieux.
N° 56 et 58. Visages
Ces deux illustrations, disposées « en miroir » l’une par rapport à l’autre, sont des masques mortuaires ; il s’agit du visage apparu pour la première fois au chapitre 1, n°4. S’agit-il de Jenaveve McCraw ? C’est ce que laisse effectivement penser le contexte.
N° 56 N° 58
N° 55 et 59. Gisantes
Il s’agit une fois de plus d’un dédoublement représentatif : d’une illustration à l’autre, l’œil perspectif est passé du chevet à la tête de la pierre tombale.
Pourquoi dans ce chapitre Jenaveve McCraw, dont rien (à la différence de « celui qui fend le temps ») ne nous dit qu’elle se soit dédoublée, apparaît-t-elle ici par deux fois, et ce en double exemplaire ? Force est de reconnaître que nous ne savons pas véritablement si elle mourut sur l’île de Lara condamnée, et encore moins où elle fut enterrée.
N° 54 et 60. Cartes-silhouettes
Le naufrage des îles jumelles, appelées maintenant « Danial » et « Kajun », se poursuit inéluctablement.
Commentaires
a) Ce chapitre attribue, dans le drame qui unit/sépare les deux îles-archipels, un rôle décisif à ce qu’il appelle « les images ». Le mot utilisé en Énantien est : zie tapiéξ, avec comme variante, dans le texte en transcript 1 : ié tapié, soit mot à mot : « tout image », expression qui désigne soit l’idée d’une image totale, soit celle d’une collection (éventuellement exhaustive) d’images.
Il n’est malheureusement précisé nulle part ce que sont ces « images » ; le seul indice que nous ayons à notre disposition est que, se situant « au commencement et à la fin » (n°53), ces images ont montré à la mère qui n’est pas une mère… ce qui avait été, ce qui devait être (n°58). Elles se trouvent donc à la charnière des temps, là où « le commencement » se confond avec « la fin », tandis qu’« entre commencement et fin » se trouve, selon le chapitre 1 (textes n°3 et 5), « la vie des hommes » :
Au commencement la terre, et la terre sur les flots.
A la fin les flots, et les flots sur la terre.
Entre terre et flots, entre commencement et fin,
la vie des hommes.
Et comme dans la superposition de la fin et du commencement ne s’insère nulle durée, nulle solution de continuité, celui ou celle qui se tient, physiquement ou en pensée, à la charnière des temps « étreint l’immensité du monde », comme l’attestent les textes n°77 en transcript 2, et n°79 en transcript 1 :
Marion Soir
écoute chanter les Dabe Datsavima,
Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant.
LE SOIR marion
ÉCOUTE CHANTER dabe datsawima
JOINT les mains PENSE À la sœur aînée
LÀ-BAS seule sur NON-ÊTRE mirandashukun
ÉTENDRE puis ses bras ÉTREINT
paix IMMENSE du monde ÉTINCELLE
La nature circulaire du temps se trouve d’autre part ouvertement affirmée par le mythe de Merriblinte, qu’Irma Waybourne, la rescapée de Hanging Rock, reçut en rêve une quinzaine d’années après la disparition de ses deux sœurs :
Et lors des corroboree
qui se tenaient au pied de Merriwollert,
les chants et les danses des femmes
permettaient que, dans le cercle du temps,
tout ce qui vient déjà fût advenu ;
permettaient que, dans le cercle du temps,
tout ce qui advint tôt ou tard revienne.
Ainsi les chants des Dabe Datsawima,
qui précédèrent les corroboree des Kulin ,
qui précédèrent les voix atones
des vivants qu’on entend aujourd’hui,
à nouveau s’élèveront sous les rochers de Merriwollert,
résonnant jusqu’aux cimes ressurgies
de Merriblinte , le rocher des étoiles.
Merriblinte, p. 35
b) Ce chapitre est d’autre part focalisé sur le personnage de « la mère qui n’est pas une mère », Jenaveve McCraw. Si c’est bien elle qui « a vu les images », c’est sans doute parce qu’ayant eu accès au manuscrit entre les années 1895 et 1900, elle en a saisi, au moins partiellement, le sens, et a compris qu’elle était d’une façon ou d’un autre impliquée dans l’histoire qu’on y trouve exposée. S’est-elle reconnue dans l’un des visages féminins qui s’y trouvent représentés ? A-t-elle saisi que son destin était de mourir sur l’île de Lara, qu’elle était la gisante qui figure aux n° 55 et 59 ? Bien plus, comme il en existe deux représentations, cette pierre tombale, bien qu’unique, peut éventuellement se référer aux deux femmes, Jenaveve McCraw et Miranda Waybourne, qui moururent sur Lara/Shukun, — ou même, pourquoi pas, aux deux sœurs, Miranda et Marion Waybourne, qui disparurent de Hanging Rock en 1940 .
Il faut se souvenir en effet que, si elle eut accès au images du manuscrit et à sa traduction anglaise, Jenaveve McCraw n’a sans doute pas été en mesure d’établir une relation univoque entre les paragraphes de cette traduction et les différentes illustrations qui parsèment le manuscrit LaraDansil.
c) Celui-ci cependant nous apprend que la mère qui n’est pas une mère… tout à la fin vint sur Dénial en raison de ce qu’elle avait appris grâce à l’examen du manuscrit (« parce qu’elle avait vu les images », texte n°56).
Or les textes qui accompagnent ses deux masques mortuaires présumés (n°56 et 58) concernent les destins croisés de Lara et Dansil, amplement décrits par ailleurs dans la version anglaise du manuscrit. C’est par conséquent sur une terre morte (c’est-à-dire sur Kajun) que « la mère qui n’est pas une mère » se rendit lorsqu’elle emprunta le portail entre les mondes qui, le 14 février 1900, s’ouvrit pour elle à Hanging Rock :
La mère, qui n’était pas une mère,
parce qu’elle avait vu l’image,
et parce qu’elle pouvait le faire,
d’abord se rendit sur Dénial, et vit que Dénial
était désormais une terre silencieuse, inculte et sans vie.
d) On trouve enfin, dans le texte n°53, un court développement sur la liberté et le déterminisme, la prévoyance humaine et le destin de l’univers : les images, nous dit le manuscrit, ne commandent pas, ne dirigent pas, ne sont pas par elles-mêmes vraies ; elles doivent, pour se transformer en vérités, pour déterminer des règles de conduite, pour s’accorder au monde, être comprises et approuvées du fond du cœur par ceux et celles à qui elles s’adressent.
Mais cette liberté humaine, dans le contexte de l’histoire qui nous est racontée par le manuscrit LaraDansil, est solidaire de la capacité à « voyager » entre les espaces et les durées, à se transférer soi-même de la Terre en Énantia. Et de tels voyageurs peuvent revenir sur leurs traces, remanier des paroles pourtant dites et approuvées par eux jadis, contredire des images peintes qu’ils ont pourtant déjà observées et comprises, bouleversant ainsi des mondes auparavant visités et explorés, annulant des actes réellement accomplis, et qu’ils se remémorent.











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