CHAPITRE 6

  

 

Harald Langstrøm

 

 

  

 

 

Version anglaise

 

AJUBENIAL

rock bare TWISTED FINGER RUINS breaking through PUDDLES brackish DEAD already AJU collapses BETWEEN soot sky AND bitter ocean UP TO empty horizon

boiling river dried bush DREADFUL SCREAM shouting SURVIVOR DYING BENIAL  sinks UNDER ash AND lava ON sea TO wind AND storm WIDE OPEN

the first one is ALREADY consumed, NOT EVEN shape OF dirt ON board OF rock;

the other one ASTOUNDED is shelter seeking in THE abyss DEEP WHERE darkness DON’T restore.

 

Aju.
Upright the maiden stood in the burning land.
Everyone but she had fled.
Fire after fight consumed the world,
lightning up around her the dead.
Fair and bright she rose,
as born to rule the storms,
a creature of heroic blood,
a proud though childlike form.

 

Benial.
The Dabe Datsawima moved silently in a strange sliding way.
The largest males all laid their noses on the ground.
One of the animals gave out a rumblelike sound, rhythmic and thump, languish at first, then faster and always faster.
All males gradually entered the melody,
while the females slowly turned around the musicians,
while the rhythm constantly altered, alternating staccato solo and drumming polyphony.
All at last raised, and the company vanished in the dark woods.

 

 

AJUBENIAL

rocher nu DOIGT TORS RUINES perçant LES MARES d’eau saumâtre MORT déjà AJU  s’effondre ENTRE ciel de suie ET océan d’amertume JUSQU’À l’horizon vide

rivière bouillante buisson séché CRI HORRIBLE SURVIVANT qui hurle BENIAL   MOURANT sombre SOUS cendre ET lave SUR la mer OFFERTE AU vent DE la tempête

la première DÉJA consumée PAS MÊME une forme DE poussière À la surface DES rocs

L’autre HÉBÉTÉE cherche refuge LOIN dans L’abîme OÙ l’obscurité ne réconforte pas. 

 

Aju.
Droite se tient la jeune fille sur la terre incendiée.
Tous les autres ont fui.
Le feu de la bataille consume le monde,
éclairant les morts autour d’elle.
Belle et lumineuse elle se dresse,
comme née pour commander aux tempêtes,
une créature de sang héroïque,
une fière silhouette, bien qu’enfantine encore.

 

Benial.
Les Dabe Datsawima se déplaçaient silencieusement, d’une manière étrangement chaloupée.
Les plus grands mâles posèrent tous leurs nez sur le sol.
L’un des animaux émit un son murmurant, rythmique et sourd,
d’abord traînant, puis de plus en plus rapide.
Les mâles entrèrent les uns après les autres dans la mélodie,
tandis que les femelles lentement tournaient autour des musiciens,
et tandis que le rythme sans cesse changeait, alternant staccato solo
et polyphonie tambourinante.
Enfin, tous se levèrent, et la troupe s’évanouit dans les bois obscurs.

 

 

Manuscrit 35-44

 

LES TEXTES

 

N° 35

 35

 

35-1

*AJUBENIAL vini
*LADE KIZE res rondolfe AJU IMIZI ima pragkapri FIMESE
VA kangk balbe FIB VRADTEN estotine CROUP
MAPRI RIZ nikodie bestialene IEPRIANI kalfie katave LAME
*LADE KIZE kliere BENIAL IMIZI pechkapri valch FIMESENE
VA braganikodie sable BRAKS NIPURAI estotine RIZESSAT
MAPRI RIZ kinavet peche MODIE badeni azanipalir FUBRIRENE
*mise ZENO ietouarfrir TOUZE ANI kliarvie pragkapri RIZ tapie kangk
*kave BLOUAZEE bounie chaltri TOUE dizenei kaltrave VA nikliourei ANI TOUZE ebuniale

*AJUBENIAL titre
*VERS-QUOI s’effondrer AJU SOUS ciel-suie MORT
OU rocher-nu DOIGT TORDU dernier RUINE
ENTRE SUR mare saumâtre OCÉAN horizon vide JUSQUE
*VERS-QUOI sombrer BENIAL SOUS cendre-lave MOURANT
OU rivière-bouillir  EFFROI CRI dernier SURVIVANT
ENTRE SUR buisson-sécher MER vent-tempête OUVERT
*une DEJA consumée MEME PAS silhouette-suie SUR tableau-roc
*autre EFFAREE refuge-chercher DANS profondeur-grotte OÙ obscurité MEME PAS rafraîchir

 

N° 39

 

Aju.
zi mocia eviai linei riz zi odievine ka arfrire,
iex falt hede emiei bliksiene,
ze ierfrir vopre zi cambol polchiere ze attana
tibliorene zie fimezex invine ti hede.
cene ni bliouree hede res fabie,
bugeiee med dabete inee azanipalirx,
mise bigaviee umezee med ti pastri messgavene
mise raparpri galve, ni bigatee nazii.

 

39

 

Aju.
La jeune fille était debout sur l’île qui brûlait,
tous sauf elle avaient fui.
Le feu après l’attaque dévorait le monde
Éclairant les morts autour d’elle.
Belle et lumineuse elle se dressait,
Née pour commander aux tempêtes,
Une créature de sang héroïque,
Une silhouette fière, et enfantine encore.

 

N° 41

 

Benial.
zie Dabe Datsawima res miritrize pit mis tav teri obzi hed fliblitie.
zie kemax zie zou messe nissande iex biee snoutaleix.
ze mis tie zakix sontive mise kabatutee ti mabutrei tatitene ni kubere,
aprove eban ize ti zou tou zou pouri.
zie mise teve zie kave iex maprine toue zi tuvecorpei .
te touze palir zie kemizix vineve ebana invine tie kavaterx kemax.
ze tatite pit irabiei res kavite kiviemisee taktaka tuba ni manikiet belpairee.
iex ize res bastie ni zi tromgai kandele toue nikliourei ti zi iessatisaime.

 

 41

 

Benial.
Les Dabe Datsawima se mouvaient sans un bruit, comme s’ils glissaient.
Les mâles les plus grands allongèrent tous leurs nez.
L’un des animaux émit une sorte de grondement, rythmique et sourd,
d’abord lent, puis de plus en plus rapide.
Les uns après les autres tous entrèrent dans la mélodie ;
pendant ce temps les femelles tournaient lentement autour des musiciens mâles.
Le rythme sans cesse s’altérait, alternant staccato solo et polyphonie tambourinante
Tous enfin se relevèrent et la troupe disparut dans l’obscurité de la forêt.

 

 

Commentaires

 

a) Dans ce chapitre central, le système des titres est désormais complet, avec :

Texte introductif en transcript 1 : AjuBénial.
Texte en transcript 2, seconde graphie : Aju (point de vue de l’île aînée).
Texte en transcript 2, première graphie : Bénial (point de vue de l’île puînée).

 La version anglaise, qui présente le texte en transcript 1 dans une main différente, respecte aussi fidèlement que possible la structure grammaticale désorganisée de l’original. Il existe cependant de nombreuses différences entre le texte « énantien » du n° 35 et sa version anglaise « jargonnante » – même si l’on se trouve réduit à faire confiance à cette traduction en ce qui concerne la signification d’un certain nombre de mots qui ne se trouvent attestés ni dans les messages « martiens » d’Hélène Smith ni dans les textes « espéniens » du Codex espeniensis et du Cahier énantien de S-21.

 

b) Quand aux deux textes suivants (n° 39 et 41), le moins qu’on puisse en dire est qu’ils tranchent sur tout ce qu’on peut lire par ailleurs dans le manuscrit.

On trouve, au n° 41, l’unique description nous permettant de nous faire un début d’idée quant à la nature des Snoutobreξ, et plus particulièrement des Dabe Datsawima. Mais c’est surtout le style assez particulier du texte n° 39 qui confère à l’ensemble de ce chapitre une tonalité particulièrement lyrique.

Je dois à Harald Langstrøm, conservateur d’Endetids-Andenverdensmuseet de Copenhague, l’identification de l’œuvre dont il démarque assez fidèlement les deux premières strophes. Il s’agit du poème : Casabianca, écrit en 1826 par Felicia Dorothea Hemans (1793-1835), une œuvre que d’innombrables écoliers anglo-saxons apprirent par cœur du milieu du XIX° à celui du XX° siècle, et aujourd’hui presque complètement oublié.

Dans le manuscrit, le jeune héros du poème, Giocante Casabianca, est devenu l’une des deux « filles qui ne sont pas des filles » (et en l’occurrence Miranda Waybourne) ; il est alors légitime d’assimiler son père Luce à la « mère qui n’est pas une mère » (Jenaveve McCraw). Cette interprétation est d’autant plus probable que l’on trouve, aux n° 9-10-11 du chapitre 2, des représentations de navires de ligne incendiés dans un combat naval, qui pourrait bien être celui d’Aboukir (1798), où moururent Giocante et son père, commandant de l’Orient, navire amiral de la flotte française.

 

 

LES ILLUSTRATIONS

 

N° 36 et 43. Cartes-silhouettes

 

 36          44

                                N° 36, Aju                                                  N° 44, Bénial

  Les catastrophes qui frappent les deux îles ont déjà sensiblement réduit leurs superficies respectives.

 

N° 37 et 43. Images élliptiques (ou « circulaires »)

 

 37          43

                                         N° 37                                                             N°43

Ces deux tours, du fait qu’elle se trouvent dans le chapitre où se trouve pour la première fois abordé le thème de la transhumance entre les deux îles, contiennent sans doute les deux tranéïξ qui permirent à Marion, telle un nouveau Moïse, de mener le peuple des Snoutobreξ d’Aju en Bénial – avant que ce portail (miza) soit brutalement détruit par les souffles conjugués des cataclysmes jumeaux.

La relation de deux tours avec les deux îles et les deux sœurs Waybourne est d’ailleurs en partie corroborée par leur couleur d’ambiance, que l’on peut mettre en regard des couples d’illustrations figurant :

au chapitre 1 (n° 3 et 5)
au chapitre 2 (n° 9 et 11)
au chapitre 4 (n° 21 et 25).

 Maintenant, le contraste est entre le jaune et le violet, au lieu de la complémentarité chromatique vert/rouge.

 

N° 38-42. Paysage panoramique

 

38-42

N° 38-42

 

Il est à noter que les deux îles de Bénial (n° 38-42, associée par sa couleur dominante à Marion) et d’Aju (chapitre 7, n° 48-50, proche par sa couleur de l’illustration n° 37 précédente) sont victimes du même cataclysme : aussi baignent-elles dans la même « gloire » (d’un genre il est vrai tellement particulier qu’il est difficile de se prononcer sur son origine : flash lumineux ou épanchement de roches en fusion ?).

 

 48-50

Chapitre 7, n° 48-50

 

N° 38-40-42. Trois espèces de Snoutobreξ

 

On observe enfin, étroitement associés au paysage panoramique précédent, ainsi qu’aux deux textes en transcript 2 développant les points de vue réciproques des deux îles-sœurs, trois nouvelles espèces de snoutobreξ.

 

 42        40        38

                          N° 42                                    N° 40                                      N° 38