Harald Langstrøm
Version anglaise
AGRU
both hands EMBRACE / PART.
BOTH SISTERS once singlefold from now on ARE TWO separate WORLDS,
unable but to shoulder DISTRESS, so SPARING the OTHER half.
SO each world IS HEADING FOR its own yet to come DESTINY.
AgruBeniel.
I let the bomb which was about to destroy your world come to me.
I greeted the smashing of all present beasts, plants and flowers.
I met the fatal destruction of Agru.
All for your world should live.
Swear it will so live.
BenielAgru.
To me I called the blast which was about to burn your island.
I called for the pyroclastic, saw my city’s destruction;
I called for the long lasting bleakening of my sky.
I did it all for your world to be saved,
and your world to us salvation could bring.
AGRU.
deux mains S’ÉTREIGNENT / SE SÉPARENT.
DEUX SŒURS jadis une seule désormais SONT DEUX MONDES séparés,
capables seulement de prendre sur eux LA DÉTRESSE, ÉPARGNANT ainsi l’AUTRE moitié.
AINSI chaque monde VA DE LUI-MÊME VERS son DESTIN encore à venir.
AgruBéniel.
J’ai laissé la bombe qui allait détruire ton monde venir à moi.
J’ai salué l’annihilation de tous les animaux, plantes et fleurs existants.
J’ai affronté la fatale destruction d’Agru.
Tout cela pour que ton monde vive.
Aussi jure-moi qu’il vivra.
BénielAgru.
J’ai appelé à moi le souffle qui allait brûler ton île.
J’ai invoqué la nuée ardente, j’ai vu ma cité détruite ;
j’ai invoqué le durable obscurcissement de mon ciel.
J’ai fait tout cela pour que ton monde soit sauvé,
et pour que ton monde puisse nous apporter le salut.
Manuscrit 27-34
LES TEXTES
N° 27
*AGRU vini
*RES MEDINE kitemeche RES UMEZETUBRE
*KIT BOUA prove ubree ONE ka voprestitee ATTANA KIT mache KIE KE KAVE med GRIVINI tanire AZANIRE
*MED CIDE etchi attana E voprestitee KAVEI bei
*AGRU vini
*S’ÉTREINDRE deux mains SE SÉPARENT
*DEUX SŒUR jadis unie SONT qui désormais MONDE DEUX pouvoir NE QUE AUTRE pour ÉPARGNER prendre MALHEUR
*POUR CELA MONDE chacun a sien DESTIN DÉSORMAIS
N° 30
AgruBéniel.
ce umeze ame e ci zi burda ka ame ekatev che attana.
ce tanire riz ci zi ietouafrire tie zakix tie kezakix ni tie misaimex.
ce tanire riz ci ze ekatevei dovrove ti Agru.
ie cide med ka che attana essate.
trimuze si ka hed essatir.
AgruBéniel.
J’ai fait venir à moi la bombe qui allait anéantir ton monde.
J’ai pris sur moi la destruction des animaux des plantes et des fleurs.
J’ai pris sur moi l’anéantissement inéluctable d’Agru.
Tout cela pour que ton monde vive.
Promets-moi qu’il vivra.
N° 32
BénielAgru.
ce umeze ame e ci ze frimafraktere ka ame arfrir che odievine.
ce tanire riz ci zi imodie krire, zi broukev ti eze iodan.
ce tanire riz ci ze nikliourei sandinene ti ezi ima.
ie cide med ka ezi attana evai falvee.
ni med ka hed nini amesse tou godan.
BenielAgru.
J’ai fait venir à moi l’éruption qui allait brûler ton île.
J’ai pris sur moi la nuée ardente, la destruction de ma ville.
J’ai pris sur moi l’obscurcissement durable de mon ciel.
Tout cela pour que mon monde soit sauvé.
Et pour qu’il nous vienne en aide.
Commentaires
a) Les titres, qui nommaient jusqu’à présent la seule île de Lara, sont désormais formés de noms composés, et mettent en avant les transformations, dans le cas présent en partie corrélées et en partie indépendantes, des deux terres sœurs/jumelles d’Agru et de Béniel.
Le texte « synthétique » initial, n° 27 en transcript 1, conserve cependant un incipit (« AGRU vini ») lié à la seule île aînée ; les deux textes en transcript 2 qui lui font suite décrivent, selon leurs deux points de vue complémentaires, la situation des îles jumelles, et ont pour titres : AgruBéniel (n° 30), et BénielAgru (n° 32). L’apparition de ces titres réciproqués va de pair avec le fait que les trois textes figurant dans ce chapitre ont des contenus distincts.
Cependant, les destins des deux îles se trouvent encore étroitement liés : nous en sommes au moment de l’« échange des cataclysmes » – moment qui précède immédiatement leur séparation définitive.
b) Considéré dans son ensemble, le processus de scissiparité, ou encore de bourgeonnement du monde puîné à partir du monde aîné se trouve décrit de la manière suivante :
– « Le temps se fend » (chapitre 2).
– Cette rupture du temps en deux branches distinctes est « explosion de l’homme » d’une part, « volcan » et « nuée ardente », « bombe » d’autre part. Sous l’effet conjugué du souffle et du feu, « terre et mer échangent leurs places », « terre et mer se séparent » (chapitre 3).
– Suite à l’« éruption » en Aru, à la « bombe » sur Béniel, le « port (le monde aîné, Aru) s’éloigne », tandis que le « monde (puîné, Béniel) prend le large » (chapitre 4).
– Les deux « détresses » s’échangent : la « bombe » est transférée de Béniel en Agru, tandis que l’« éruption » ravage désormais Béniel (chapitre 5).
– On apprendra enfin (au chapitre 6, qui est l’épicentre du manuscrit), qu’à la suite de ce processus complexe d’échange/séparation, l’île aînée est « morte », tandis que l’île cadette est « mourante ». Mais la vie se maintiendra sur Bénial, en sorte que les « Snoutobreξ », et parmi eux les « Dabe Datsawima », seront sauvés.
c) La version anglaise fournit une traduction pour chacun des trois textes du manuscrit. Cette « traduction », qui constitue plutôt une variante, peut être avec fruit comparée à ces derniers : un désaccord apparaît ainsi entre les deux dernières lignes du texte n° 32 en transcript 2, qui dans le manuscrit développe le point de vue de Béniel, et son correspondant dans la version anglaise.
Texte n° 32
BenielAgru.
J’ai fait venir à moi l’éruption qui allait brûler ton île.
J’ai pris sur moi la nuée ardente, la destruction de ma ville.
J’ai pris sur moi l’obscurcissement durable de mon ciel.
Tout cela pour que mon monde soit sauvé.
Et pour qu’il nous vienne en aide.
Version anglaise
BenielAgru.
To me I called the blast which was about to burn your island.
I called for the pyroclastic, saw my city’s destruction;
I called for the long lasting bleakening of my sky.
I did it all for your world to be saved,
and your world to us salvation could bring.
BénielAgru.
J’ai appelé à moi le souffle qui allait brûler ton île.
J’ai invoqué la nuée ardente, j’ai vu ma cité détruite ;
j’ai invoqué le durable obscurcissement de mon ciel.
J’ai fait tout cela pour que ton monde soit sauvé,
et pour que ton monde puisse nous apporter le salut.
La différence tient au passage de l’expression : « mon monde » (version en transcript 2), à : « ton monde » (version anglaise). Or ce texte développe le point de vue de la fille cadette (Marion Waybourne, Béniel) ; ainsi « ton monde » est Agru, l’île aînée, et « mon monde » Béniel, l’île puînée. Et comme nous savons qu’Agru va bientôt être détruite, tandis que la vie parviendra à se maintenir sur Béniel sauvée de justesse, nous devons conclure que la version anglaise est sur ce point fautive.
Mais par contrecoup, cette correction rend assez énigmatique la dernière ligne des deux passages : il ne semble pas que l’île de Béniel soit en quelque manière « venu en aide à l’île d’Agru. Il faut donc supposer que le « nous » de :
Tout cela pour que mon monde soit sauvé.
Et pour qu’il nous vienne en aide.
Texte n° 32
ne concerne ni Agru ni Miranda, mais, considérés comme un tout, Marion et les Snoutobreξ.
d) Le thème de l’échange, à travers les dimensions, de phénomènes météorologiques, géologiques ou climatiques entre deux « lieux jumeaux », deux « sites accouplés » apparaît, sous une forme légèrement différente il est vrai, dans Merriwollert, le conte qu’Irma Waybourne (la troisième disparue de 1940, retrouvée trois jours plus tard indemne mais amnésique) écrivit dans les années 1950 à partir d’une longue série de rêves étranges. Il est dans ce mythe onirique question d’un phénomène volcanique qui, parti d’un lieu appelé le rocher des étoiles, et situé dans le temps du rêve de la mythologie aborigène, se trouva transféré sur notre planète en passant par le miza de Hanging Rock[1], alors appelé Korweinguboora, « le coassement de la grenouille ».
Le monde du rêve n’abritait alors
que le rocher des étoiles et l’océan de la nuit.
Parce qu’il était la seule île, le rocher des étoiles
n’avait pas de nom. C’était la terre.
Et l’océan de la nuit, parce qu’il était l’unique océan,
était lui aussi privé de nom. C’était la mer.
[…] il y avait,
en dehors du monde du rêve,
hors de portée du rocher des étoiles,
une grande étendue de roche stérile,
une terre plongée dans un crépuscule éternel,
une pénombre qui n’était
ni tout à fait le jour ni tout à fait la nuit.
Nulle saison n’habitait ce lieu désert et nu.
De grandes cordillères sombres
allaient se perdre au-delà de l’horizon ;
en son centre croupissait un lac d’eau saumâtre,
dont rien ne venait troubler la solitude ;
c’était Korweinguboora, le coassement de la grenouille.
Korweinguboora n’abritait aucune vie,
n’avait donné naissance à aucun être,
animal ou homme, capable de rêver.
page 4 de Merriblinte
[…]
Myndie, le serpent arc-en-ciel,
oublia qu’il était serpent
et pour un temps du rêve
fut arc-en-ciel seulement.
Mi éveillé mi rêvant,
mi absent mi présent,
il tomba du monde des étoiles,
il s’échappa du monde du rêve,
et, traversant la nuit sans étoiles
qui sépare les astres
et qui sépare les mondes,
tomba sur Korweinguboora,
le coassement de la grenouille.
Dans la tourmente levée par sa chute,
le rocher des étoiles fut arasé,
et Korweinguboora,
qu’on appelle aujourd’hui Hanging Rock,
se transforma en un étrange
et magnifique ouvrage
de rocs noirs, gris et dorés,
qui devint la première porte
unissant les rêves, unissant les mondes.
LES ILLUSTRATIONS
N° 28 et 34
Les « cartes » des îles sont désormais réparties entre l’île aînée et l’île puînée avec, pour les trois chapitres 5, 6 et 7 (la partie centrale du manuscrit) :
Agru-Aju-Kaju : n° 28-36-52.
Béniel-Bénial-Dénial : n° 34-44-46.
Jusqu’au chapitre 6 inclus, l’aînée est en position initiale ; à partir du chapitre 7, elle cède cette place à sa cadette. Et au fur et à mesure de la progression allant du chapitre 5 à la fin du manuscrit, la surface des deux îles se réduit comme peau de chagrin, en sorte que Shukun et Dansil ne compteront pour finir que de bien modestes fragments résiduels.
N° 29 et 33
Les illustrations suivantes placent ce chapitre au début d’une trilogie, où l’on trouve l’ensemble des représentations de ces animaux mystérieux que le manuscrit appelle les « Snoutobreξ ». Bien qu’ils n’en soit pas encore question dans les textes, le chapitre 5 en comporte deux exemplaires.
N° 29 et 33
N° 30-32
On trouve de plus, dans chacun des trois chapitres centraux du manuscrit, des vues panoramiques de paysages maritimes (n° 30-32, n° 38-42 et n° 48-50). Celui du chapitre 5 a une dominante bleue, et représente un port (la ville qui se trouvait à l’origine sur Béniel et fut annihilée par la « bombe » ? – cf. n° 32 : « J’ai pris sur moi la nuée ardente, la destruction de ma ville ») ; celui du chapitre 6 a une dominante rouge, et celui du chapitre 7 une dominante jaune.
N° 30-32
N° 31
Nous trouvons enfin, au n° 31, une représentation du site mégalithique de Stonehenge, où s’ouvrait (ou s’ouvrira) une porte entre les mondes (une tranéï), et où Irma Waybourne situe l’une des vies « antérieures/postérieures », ou plus exactement « parallèles », qu’elle aurait vécues en compagnie de son amie Ève de Poitiers, et auxquelles il est fait très longuement référence dans : EingAnjea, ce si étrange recueil de poèmes et de tableaux.
Ainsi, Snoutobreξ, paysages panoramiques et représentation de mizaξ associés aux « vies parallèles » d’Irma Waybourne-Eingana / Ève de Poitiers-Anjea, donnent une individualité visuelle cruciale aux chapitres 5, 6 et 7 du manuscrit.
[1]. Le massif de Hanging Rock est effectivement le résultat d’une antique extrusion de lave pâteuse, solidifiée sur place.











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