CHAPITRE 11

 

 

 

 

Harald Langstrøm

 

 

 

 

 

 

Version anglaise

 

Rocks on see, rocks under sky, dry and bare.
No one visits, no one sees
those dark and dead hands,
twisted fingers clutching the skies
out of drained waters.
A name for the old archipelago: Unbeing Miranda. 

Flower archipelago, second birthplace
of the Snoutobrex –
A name for the young archipelago: Marion Atnight
listens to Dabe Datsawimas’ songs,
joins her/his hands, remembering elder sister/brother
unbeing out there in MirandaShukun,
then stretches her/his arms out and embraces
the peaceful hugeness of her/his everlasting world.

 

Rocs sur la mer, rocs sous le ciel, secs et nus.
Personne ne rend visite, personne ne voit plus
ces mains noires et mortes,
doigts tors griffant les cieux
hors des mares asséchées.
Un nom pour l’ancien archipel : Miranda non-être.

 

L’archipel des fleurs, second berceau
des Snoutobrex –
un nom pour l’archipel nouveau : Marion La nuit
écoute les chants des Dabe Datsawimas,
joint les mains, se rappelant sa/son sœur/frère aîné(e),
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
la paisible immensité de son monde éternel.

 

Manuscrit 73-79

 

LES TEXTES

 

N° 73

 

 73

 

 73-2

 

*SHUKUNDANSIL vini
*VA riz modie KANGK pechkatav balb KANGK ima imizi VA
*zou bouaflire KIEMENDECHE veteche zou
*CAPRI FIMEZE amiche kit kouib VRINIE FABIE amiche kit kouib
*LADE ima KIMITRIZIV priani TIA
*KED med AVETE KATEV miranda iodievine VINIA

 

*SHUKUNDANSIL vini
*OÙ sur mer ROCHER désert nu ROCHER ciel sous OÙ
*plus visite NUL voit plus
*NOIR MORT mains deux doigts TORDU DRESSÉ mains deux doigts
*VERS ciel IMMOBILE flot HORS
*QUEL pour AÎNÉ NON-ÊTRE miranda archipel NOM

 

N° 75

 

zie kangkξ riz zi modie, zie kangkξ imizi ze ima, pechkatave ni  balbee.
kiemendeche kie bouaflire, kiemendeche kie zou veteche
tese amiche capriee ni fimezee,
tese kouibξ vriniee fabiee lade zi ima
tia tie prianiξ kimiritrizive.
mis vinia med ze iodievine avete, Miranda Katev.

 

75-2

 

Les rochers sur la mer, les rochers sous le ciel, déserts et nus.
Nul ne visite, nul ne voit plus
ces mains noires et mortes,
ces doigts tordus dressés vers le ciel
hors des flots immobiles.
Un nom pour l’archipel aîné, Non-être Miranda.

 

N° 77

 

ze iodievine tie misaimex, kite ziver tie Snoutobreξ.
mis mis vinia med ze iodievine kinete, Marion Zuri
tenekifre sadrie zie Dabe Datsawima,
brine zie amiche, ebrinie e be boua avete,
katev atrizi riz MirandaShukun,
ize egrevene bee koukξ medinete
zi assilei dastree tie attana spikeve.

 

77-2

 

L’archipel des fleurs, second berceau des Snoutobrex.
Un nom pour l’archipel puîné, Marion Soir
écoute chanter les Dabe Datsavima,
Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant.

 

N°79

 

 79

 

79-2

 

*DANSILSHUKUN vini
*IODIEVINE ti MISAIME kit ZIVER ti snoutobre
*VINIA med iodievine KINETE
*ZURI marion
*TENEKIFRESADRIE dabe datsawima
*BRINE kitamiche EBRINIEE bouaavete
*ATRIZI tubrerize KATEV mirandashukun
*EGREVENE ize kitkouk MEDINETE * dastre * ASSILE ti attana SPIKEV

 

*DANSILSHUKUN vini
*ARCHIPEL des FLEURS second BERCEAU de snoutobre
*NOM pour l’archipel PUÎNÉ
*LE SOIR marion
*ÉCOUTE CHANTER dabe datsawima
*JOINT les mains PENSE À sœur aînée
*LÀ-BAS seul sur NON-ÊTRE mirandashukun
*ÉTENDRE puis deux bras ÉTREINT // paix // IMMENSE de monde ÉTINCELLE

 

LES ILLUSTRATIONS

 

N° 74 et 78. Cartes-silhouettes : état final des deux îles-sœurs, devenues archipels

 

 74          78

 

                                           Dansil                                                     Shukun

 

N° 75 et 77. Visages en négatif de Miranda et Marion Waybourne

 

 75-1

N° 75

 

 77-1

N° 77

 

Illustration n° 76

 

 76

 

Il y a débat quant à cette illustration centrale. Raymond Lumley y distingue le grand hall de Martingale Manor :

 

Martingale Hall

Martingale Hall

 

Tout en admettant que la chose est probable, je me garderai d’affirmer qu’il s’agit d’une vérité définitivement établie.

 

 

Commentaires

 

Ce chapitre décrit le destin final des deux archipels qui, en ce qui concerne leur superficie, se trouvent réduits à leur plus simple expression. C’est sur l’archipel aîné, désormais désert et abandonné, que Miranda trouva la mort. L’archipel puîné, où Marion et les Snoutobreξ (représentés ici par le chant des Dabe Datsawima, cf. chapitre 6), sont venus s’installer, sera en revanche préservé, et la scène paisible décrite aux n° 77 et 79 indique que tout danger sera bientôt écarté.

 

 a) A la différence de tous les autres chapitres, quatre blocs de caractères correspondent à deux textes différents qui se répètent chacun deux fois.

Les n° 73 et 75, respectivement en transcripts 1 puis 2, s’étendent sur le malheureux destin de Shukun (l’île/archipel souche qui fut à l’origine Lara), tandis que les n° 77 et 79, respectivement en transcripts 2 puis 1, décrivent la façon dont Dansil (l’île/arghipel gréffé qui s’appela tout d’abord Béniel), s’ouvre à « l’immensité paisible du monde étincelant ».

Le texte n° 79, dans son avant dernière colonne, contient une anomalie : au lieu d’être continu, le flux des lettres majuscules est interrompu entre : EGREVENEMEDINETE et ASSILESPIKEV. S’agissant d’un apax, il est difficile de déterminer quel peut être le sens de cette interruption.

Le verset dit :

 *EGREVENE ize kitkouk MEDINETE * dastre * ASSILE ti attana SPIKEV

*ÉTENDRE puis deux bras ÉTREINT // paix // IMMENSE de monde ÉTINCELLE

 soit, dans le n° 77 :

ize egrevene bee koukξ medinete
zi assilei * dastree * tie attana spikeve. 

puis étendant ses bras, étreint
l’immensité // paisible // du monde étincelant.

Je me plais pour ma part à penser que ce hiatus est délibéré, et qu’il a pour dessein de faire ressortir le substantif : dastré, « paix » (adj. fem. : dastrée, « paisible »), une sorte de coda pour l’ensemble du manuscrit.

 

 b) Il existe des différences notables entre les versions dédoublées du manuscrit et leur « traduction » anglaise.

– La où le manuscrit dit :

TORDU DRESSE ces doigts VERS le ciel HORS du flot IMMOBILE (n° 73),

 et :

ces doigts tordus dressés vers le ciel
hors des flots immobiles (n° 75),

 la version anglaise affirme :

 “twisted fingers clutching the skies / out of drained waters” – doigts tors griffant les cieux / hors des mares asséchées.

– Là où le manuscrit dit:

 Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,

puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant.

N° 77

et :

*JOINT les mains PENSE À sœur aînée
*LÀ-BAS seul sur NON-ÊTRE mirandashukun
*ÉTENDRE puis deux bras ÉTREINT // paix // IMMENSE de monde ÉTINCELLE

 N° 79

la traduction anglaise propose :

 joins her/his hands, remembering elder sister/brother
unbeing out there in MirandaShukun,
then stretches her/his arms out and embraces
the peaceful hugeness of her/his everlasting world.

 joint les mains, se rappelant sa/son sœur/frère aîné(e),
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
la paisible immensité de son monde éternel.

 [En Énantien, le mot signifiant : étincelle/étincelant, est : SPIKÈV/spikêvé, tandis qu’éternel correspond au mot : sandinèné (durable), un adjectif dérivé de : sandiné (longtemps).

Et le mot signifiant : immobile, est : KIMITRIZIV/kimiritrizivé, de kié-mitriziv, non-mouvement, la notion de mouvement étant elle-même forgée à partir de : trizi (lieu), et : mirivé (tracer), avec miritrizi comme variante pour le mouvement (voir à ce sujet : Codex espeniensis, p. 48), tandis qu’on devrait s’attendre à ce qu’asséché, un mot qui ne figure nulle part dans les textes énantiens dont nous disposons, soit d’une façon ou d’une autre dérivé de la racine : pech (sec).]

 Ces divergences ne changent pas fondamentalement la signification globale des paragraphes concernés. Leur présence n’en demeure pas moins déconcertante. La seconde en particulier apporte au texte du manuscrit une dimension inattendue : le « monde étincelant » où se trouve désormais plongé l’archipel de Dansil est celui qu’habite Marion Waybourne. On s’attendrait alors plutôt à :

 joins her hands, remembering elder sister
unbeing out there in MirandaShukun,
then stretches her arms out and embraces
the peaceful hugeness of her everlasting world.

 Si cette terre désormais préservée est, selon la version anglaise, en même temps celle d’un homme, il se peut s’agir que de l’avatar puîné de Michael Fitzhubert — après que celui-ci se soit, « à la fourche des temps », dédoublé. Le couple des sœurs Waybourne se serait ainsi, de façon mystérieuse, superposé au couple des « jumeaux » Fitzhubert.

 

 c) Enfin, la dernière colonne du texte conclusif (n° 79 du manuscrit) contient, par rapport à tout ce qui s’y trouvé rédigé en transcript 1, une totale exception. On y découvre en effet, isolés en bas de colonne, trois « majuscules », qui sont autant de caractères chinois :

 LingJiaoWen

soit peut-être, de bas en haut : « écriture carrée (tracée) en montant » ( ???). Mais cela constitue une contradiction entre ce qui serait ordonné (« líng » : monter), et ce qu’il convient de faire (descendre) : le transcript 1 (comme d’ailleurs l’écriture chinoise) se lit de haut en bas.

Mais le caractère : Líng, pris comme substantif, signifie aussi : glace. De cette manière, Líng Jiǎo Wén signifierait : « écriture en cristaux de glace » — ce qui malheureusement ne correspond pas non plus à une description frappante par son exactitude des caractères, en particulier minuscules, du transcript 1.

 De son côté, le mot écrit en minuscules, à droite du précédent, qui appartient au transcript 1, contient, en troisième position à partir du haut, un apax :

 Li(...)lese

Ce caractère correspond-il à l’une des trois lettres de l’alphabet latin qui n’ont pas d’équivalent en transcript 1 : j, q, ou y ? Cela malheureusement s’avère fort improbable, car menant à l’un des trois mots, bizarres même en énantien :

 lijlese – liqlese – liylese.

 Force m’est de laisser cette question en suspens.