Harald Langstrøm
Version anglaise
SHAKUNDANSIAL
TIME’S PATH multifold LABYRINTH
way out AND dead end.
Larashakun, FIRST PATH,
MAIMED and already DEAD.
Benieldansial, SECOND PATH,
LONE remaining ALIVE.
Sister/brother is ELDER/YOUNGER,
Sister/brother is MAN/MAN
Sister/brother is WOMAN/WOMAN
Sister/brother is ENANTIA/ENANTIA
Sister/brother is BENIEL/BENIEL.
Other ways aren’t sister/brother:
earth/sky, sky/flood.
Many paths are Beniel/Enantia:
these ways all, strange and yet familiar, are
right hands and left hands
that in turn embrace and split.
HakingRick is immaterial miza.
In it the worlds come to each other match.
HakingRick is invisible miza.
In it the worlds come to each other graft.
HakingRick is the pathway
where single wanderers
become twin couples.
SHAKUNDANSIAL
LA VOIE DU TEMPS : LABYRINTHE feuilleté,
échappée ET cul-de-sac.
Larashakun, PREMIÈRE VOIE,
MUTILÉE et déjà MORTE.
Benieldansial, DEUXIÈME VOIE,
SEULE restant VIVANTE.
Sœur/frère est AÎNÉ(E)/PUÎNÉ(E)
Sœur/frère est HOMME/HOMME
Sœur/frère est FEMME/FEMME
Sœur/frère est ENANTIA/ENANTIA
Sœur/frère est BENIEL/BENIEL.
D’autres voies ne sont par sœurs/frères :
terre/ciel, ciel/déluge.
De nombreuses voies sont Beniel/Enantia :
toutes ces voies, étranges et pourtant familières, sont
des mains droites et des mains gauches
qui tour à tour s’étreignent et se séparent.
Haking Rick est un miza immatériel.
En lui les mondes viennent à la rencontre les uns des autres.
Haking Rick est un miza invisible.
En lui les mondes se greffent les uns aux autres.
Haking Rick est le sentier
où les voyageurs solitaires
deviennent des couples jumeaux.
Manuscrit 67-72
LES TEXTES
N° 67
*SHAKUNDANSIAL vini
*TRANEI ti PALIR manivi MANITRASEI kaprinie NI haudangatei
*PROVETRANEI larashakun IEBROUKE ne fimeze
*KITETRANEI benieldansial TUBRE ne essav
*TESEKIT boua teri AVETE KINETE
*TESEKIT boua teri MENDECHE MENDECHE
*TESEKIT boua teri MEDACHE MEDACHE
*TESEKIT boua teri ENANTIA ENANTIA
*TESEKIT boua teri BENIEL BENIEL
*SHAKUNDANSIAL vini
*VOIE du TEMPS multiple LABYRINTHE sortie ET cul-de-sac (prison)
*PREMIERE VOIE larashakun MUTILEE est mort
*SECONDE VOIE benieldansial SEULE est vie
*CES DEUX frère/sœur comme AINE PUINE
*CES DEUX frère/sœur comme HOMME HOMME
*CES DEUX frère/sœur comme FEMME FEMME
*CES DEUX frère/sœur comme ENANTIA ENANTIA
*CES DEUX frère/sœur comme BENIEL BENIEL
N° 70 en haut
ti kave traneiξ kie one ani bouaξ kemisiξ va kemaξ,
dureeξ va imaξ, imaξ va prianiξ.
tese manivie traneiξ one Beniel ni Enantia.
ni ieeξ tese traneiξ kavinevee, ieeξ tese traneiξ aviviee,
one tie emecheξ adzee ni tie emecheξ azanee,
ka vine e vine res medinete ni vine e vine res pedrine.

D’autres voies ne sont pas frères ou sœurs,
terres ou ciels, ciels ou flots.
Ces multiples voies sont Béniel et Énantia.
Et toutes ces voies étrangères, toutes ces voies proches,
sont des mains droites et des main gauches,
qui tour à tour s’étreignent et tout à tour se quittent.
N° 70 en bas
Hanging Rock ne mis miza kebeniev
va zie attanaξ ame e zi vulpenei zie mise tie kave,
Hanging Rock ne mis miza kevechibib
va zie attanaξ ame res fouiche zie mise inee kave.
Hanging Rock ne ze tranei
va ze tirpe kavatei kismis ti kiete.
Hanging Rock est un miza immatériel
où les mondes viennent à la rencontre les uns des autres,
Hanging Rock est un miza invisible
où les mondes viennent se greffer les uns aux autres.
Hanging Rock est le passage
où le voyageur devient couple de jumeaux.
LES ILLUSTRATIONS
N° 68 et 72. Cartes/Silhouettes
Dansial Shakun
N° 70. Paysage panoramique
C’est là l’ultime paysage panoramique figurant dans le manuscrit, qui peut-être nous montre l’île de Dansial avec, au sommet d’une colline, la tour de la tranéï par laquelle sont arrivés Marion Waybourne et les Snoutobreξ.
N° 69 et 71
Ces deux illustrations, qui encadrent le panorama précédent, représentent le même tourbillon s’enfonçant d’une part dans Martingale Manor (n° 69), d’autre part dans le massif de Hanging Rock (n° 71) ; elles établissent ainsi un lien entre le lieu de résidence et le lieu de disparition des trois femmes se rendant, à quarante ans d’intervalle, à la tranéï de Hanging Rock.
N° 69 Façade de Martingale Manor
N° 71 Au sommet de Hanging Rock
Commentaires
Les quatre textes : n° 61 du chapitre 9 d’une part, les n° 67, n° 70 haut et n° 70 bas du chapitre 10 d’autre part, traitent de la manière dont les portails entre les mondes sont susceptibles d’aiguiller diversement le voyageur vers leurs lointaines destinations. Il y est avant tout question de la dualité des espaces-temps (des planètes, des mondes, des territoires…), au sein desquels l’humanité se trouverait disséminée.
a) La « voie de l’humanité », tout d’abord, est gémellaire (texte n° 61) ;
*ZE MENDECHE kie ne ani MIS iza KIS
*ZE MENDECHE kie ne ani EREDUTE iza KISMIS ti kiete
*ame ti MISE TOUZEE DUREE purniene MISE TOUZEE TATIE meta ETCHI ne MIS ATTANA tiv ETCHI in provi BI EVEN kavei
*MIS TOUZE mendeche META hed pove
*NINI ove IE MIS TOUZE mendeche
*L’HOMME n’est pas UN mais DEUX
*L’HOMME n’est pas SOLITAIRE mais COUPLE de jumeaux
*venu de UNE MEME TERRE partageant UNE MEME CHAIR pourtant CHACUN est UN MONDE va CHACUN au devant de SON PROPRE destin
*UN MEME homme POURTANT il reste
*NOUS sommes TOUS UN MEME homme
n° 61, chapitre 9
La première difficulté réside dans l’interprétation qu’il convient de donner au mot : mendèche. Ce terme énantien signifie « être humain », mais peut être rendu par des tournures comme : « on », « quelqu’un », « les gens », etc. (en anglais : « man », « people », etc.).
Le dernier verset interdit cependant, me semble-t-il, que zé mendèche puisse dans le cas présent s’appliquer à une personne particulière (et en l’occurrence à Michael Fitzhubert, « celui qui ayant fendu le temps » devint « couple de jumeaux ») : le fait que Michael Fitzhubert se soit trouvé à une « fourche des temps » et se soit dédoublé, n’implique nullement que nous soyons tous « un même homme ». Ainsi, le mendèche dont il est question est l’être humain en général, c’est-à-dire la collectivité de tous les êtres humains ayant vécu ou devant vivre dans l’univers.
Le manuscrit LaraDansil nous dit donc ici que l’humanité, bien que constituant « un même homme » (étant partout la même), occupe deux univers jumeaux, chacune de ces humanités, bien qu’elles aient même origine, accomplissant son propre destin. On pourrait de la sorte traduire :
L’HUMANITÉ n’est pas UNE mais DEUX ;
L’HUMANITÉ n’est pas SOLITAIRE mais COUPLE de jumelles,
venu(e)s d’UNE MÊME TERRE partageant UNE MEME CHAIR.
Pourtant CHACUN(E) est UN MONDE,
CHACUN(E) va au devant de SON PROPRE destin.
UNE MÊME humanité POURTANT (elle) reste.
NOUS sommes TOUS UNE MÊME espèce d’homme.
Depuis que de 2021 à 2024 un fragment de l’archipel planétaire d’Énantia manifesta, de manière aussi éclatante que catastrophique, sa présence au large de la Nouvelle Zélande, nous avons appris que cette jumelle de la Terre fut peuplée, au fil du temps, par des individus épars qui avaient mystérieusement trouvé en eux un moyen d’échapper au cadre de notre espace-temps d’origine. Les deux planètes-sœurs que sont la Terre et Énantia ont par la suite vu peu à peu leurs chemins diverger, en sorte qu’aujourd’hui les sociétés énantiennes sont toutes très différentes des nôtres — ne serait-ce que parce que seuls ceux et celles qui possédaient la capacité de se projeter de notre espace-temps à celui d’Énantia, énantiomorphe par rapport au nôtre, étaient en mesure d’atteindre cette nouvelle Terre : cette faculté, agissant comme un filtre sélectif puissant, donna à la population énantienne un profil psychologique sui generis.
b) Texte n° 67.
Mais la « voie de l’humanité » est aussi la voie du/des temps (TRANEI ti PALIR, ou : zi tranéï tié palirξ).
1°) Cette voie, manivi MANITRASEI, « multiple LABYRINTHE », se trouve à l’origine du bourgeonnement de l’île de Lara en Dansil.
Dans ce dédoublement, carrefour particulier au sein de ce labyrinthe complexe, il y eut d’un côté une prison (un cul-de-sac) : Shakun, auparavant Lara, l’île vouée à la solitude et à la mort ; et de l’autre, une porte de sortie : Dansial, auparavant Béniel, l’île qui verra la vie renaître à sa surface :
*VOIE du TEMPS multiple LABYRINTHE sortie ET cul-de-sac (prison)
*PREMIERE VOIE larashakun MUTILEE est mort
*SECONDE VOIE benieldansial SEULE est vie.
Mais s’il s’agit d’un labyrinthe complexe du temps, et non d’une simple fourche, l’écheveau de l’histoire humaine doit comprendre de nombreux embranchements semblables, les « multiples carrefours » du manuscrit. Nous en connaissons un autre, de nature il est vrai tout à fait différente ; je veux bien entendu parler de l’apparition, le 16 mars 2021 à 16:27:46:03 GMT précises au large de la Nouvelle-Zélande, de Rem Érion, cet immense île-continent presque aussi vaste que l’Australie, et de sa tout aussi inexplicable disparition au cours de l’année 2026[1].
La tapisserie Sucharys, parmi d’autres documents, affirme que cette apparition/disparition de Rem Érion fut le résultat d’un gigantesque dédoublement, l’original « aîné » demeurant à sa place au sein de l’archipel planétaire d’Énantia, tandis que son « avatar puîné » vint durant cinq longues années faire partie de l’environnement terrestre :
Planisphère d’Énantia, avec à l’est de l’archipel-continental ouest, Rem Érion
La tapisserie Sucharys avec ses deux exemplaires de Rem Érion,
le premier au centre de l’archipel planétaire d’Énantia,
le second au large de la Nouvelle Zélande.
Bien plus, l’idée que tout passage (tranéï) d’un espace-temps à l’autre est lié à une forme ou à une autre de décalage temporel se trouve mise en évidence par le fait que la tapisserie Sucharys fut réalisée quelques soixante ans avant la mystérieuse apparition/disparition de Rem Érion dans l’océan Pacifique sud, prophétisant ainsi avec exactitude un événement dont nul alors ne pouvait avoir eu normalement connaissance.
Il existe cependant, entre la « fourche temporelle » qui présida à l’apparition de Rem Érion et celle que décrit le manuscrit LaraDansil, deux différences ostensibles. La scission de l’île de Lara semble avoir été à l’origine d’une divergence définitive (ou a tout au moins avoir donné lieu sur une situation durable), et l’île puînée de Béniel avait une forme tout à fait différente de celle de sa sœur aînée ; en revanche, les deux avatars de Rem Érion sont, à un effet d’échelle près en ce qui concerne la tapisserie Sucharys, tout à fait identiques, et la présence de Rem Érion sur notre planète n’excéda pas cinq ans.
2°) Le texte n° 67 contient ensuite un court développent, qui se poursuivra dans le n° 70 haut, sur les deux types de chemins (tranéïξ) permettant aux voyageurs de faire coïncider des points d’espace-temps autrement très éloignés les uns des autres.
Il nous est dit en effet que la fourche des temps qui mena à la séparation des deux îles de Lara et Béniel donna à celles-ci les caractéristiques suivantes :
*TESEKIT boua teri AVETE KINETE
*TESEKIT boua teri MENDECHE MENDECHE
*TESEKIT boua teri MEDACHE MEDACHE
*TESEKIT boua teri ENANTIA ENANTIA
*TESEKIT boua teri BENIEL BENIEL
*CES DEUX frère/sœur comme AINE PUINE
*CES DEUX frère/sœur comme HOMME HOMME
*CES DEUX frère/sœur comme FEMME FEMME
*CES DEUX frère/sœur comme ENANTIA ENANTIA
*CES DEUX frère/sœur comme BENIEL BENIEL
et, pour la version anglaise :
Sister/brother is ELDER/YOUNGER
Sister/brother is MAN/MAN
Sister/brother is WOMAN/WOMAN
Sister/brother is ENANTIA/ENANTIA
Sister/brother is BENIEL/BENIEL
Quelques remarques de nature linguistique s’imposent d’abord ici.
– TESEKIT boua (Cette expression étant formée à partir de : TESE – « CES », KIT – « DEUX », boua – « frère/sœur ») contient trois termes énantiens grammaticalement neutres du point de vue du genre, tandis que AVETE KINETE (AVETEE KINETEE au féminin) sont clairement ici des adjectifs masculins singuliers. Mon premier mouvement a donc été de traduire, contredisant la version anglaise :
CES DEUX frère comme AINÉ PUINÉ.
Mais cela m’aurait amené à écrire, tout de suite après :
CES DEUX frère comme HOMME HOMME
CES DEUX sœur comme FEMME FEMME,
pour me trouver confronté à un dilemme final. Comment décider du « genre » de ces planètes jumelles que sont ÉNANTIA et BÉNIEL ? Devais-je écrire :
CES DEUX frère comme ÉNANTIA ÉNANTIA
CES DEUX sœur comme BÉNIEL BÉNIEL
ou bien :
CES DEUX sœur comme ÉNANTIA ÉNANTIA
CES DEUX frère comme BÉNIEL BÉNIEL ?
J’ai, pour sortir de ce dilemme, choisi de rester fidèle à la version anglaise.
– La traduction de MENDECHE par « HOMME » et de MEDACHE par « FEMME » dans :
*TESEKIT boua teri MENDECHE MENDECHE
*TESEKIT boua teri MEDACHE MEDACHE
Hélène Smith nous donne le couple : Métiche/Médache, « Monsieur/Madame », « homme/femme », tandis que, dans les phrases énantiennes qu’elle nous transmet, du mot mendèche est totalement absent.
Ce même mendèche est en revanche abondamment utilisé par le Codex espeniensis, toujours dans le sens d’« être humain en général », alors que Métiche/Médache n’y apparaît nulle part.
Ces deux sources semblent par conséquent faire correspondre le couple Métiche/Médache à la distinction masculin/féminin (vir/femina en latin), tandis que mendèche se spécialise dans la signification : être humain en général (homo en latin). J’aurais alors dû traduire :
CES DEUX frère/sœur comme ETRE HUMAIN ETRE HUMAIN
CES DEUX frère/sœur comme FEMME FEMME.
Cependant, si la version anglaise du manuscrit LaraDansil rend le plus souvent mendèche par « man », au sens de « homo », dans des passages comme :
zi criza tie palirξ ne zi klatafraktere tie mendecheξ,
n° 16, chapitre 3
La fourche des temps est l’explosion des hommes,
The fork of time is men’s outburst.
ou:
NI triziene ZI VA tatin TI mendeche POVE
n° 53, chapitre 8
ET placées LÀ OÙ trésor DE homme REPOSE
and them to be put WHERE all treasures OF man LIE.
le contexte du n° 67, s’oppose à ta traduction de mendèche par « homo », « être humain », « human being » en général et, comme dans la version anglaise, insère ce mot dans la distinction : « man/woman », « homme/femme », à mettre en regard avec le distique : Énantia/Béniel, les deux « planètes-sœurs ».
Le manuscrit nous dit ainsi, par cette énumération de forme 1-2-2, que ce type particulier de « divergence temporelle » mène à l’apparition de deux êtres de même nature, dont l’un est l’aîné, l’exemplaire original (l’île de LaraShukun) et l’autre le puîné, l’exemplaire dérivé (l’île de BénielDansil).
Mais d’un originaire HOMME ou FEMME, ENANTIA ou BENIEL, surgit une sorte de clone qui est lui aussi HOMME ou bien FEMME, ENANTIA ou bien BENIEL.
Concrètement, cela semble signifier que le dédoublement a lieu à l’intérieur d’un seul et même univers d’espace-temps, et qu’un être appartenant au monde de la Terre occupera notre espace-temps, tandis qu’un clone appartenant au monde d’Énantia cohabitera avec l’être qui lui a donné naissance ; ainsi, les deux îles de LaraShukun et BénielDansil, dédoublées selon ce modus operandi particulier, se trouvent toutes deux dans le monde d’Énantia (et non, comme le nom initial de l’île puînée pourrait le laisser entendre, l’une dans le monde d’Énantia et la seconde dans le monde de la Terre (ou inversement)[2].
Mais cette hypothèse prétendant décrire comment se déroulent les dédoublements temporels ne s’applique évidemment pas à ce qui transféra Rem Érion dans le sud de l’océan Pacifique de 2021 à 2024. Il s’agit donc d’une structure explicative incomplète (ou pour le moins partielle).
c) 70 haut
Aussi le manuscrit affirme-t-il dans la foulée qu’il existe des jumeaux « de second type », dont l’avatar puîné se trouve projeté dans un univers radicalement distinct de celui qu’occupe son aîné ; étant de plus énantiomorphes l’un par rapport à l’autre, ces « frères/sœurs » ne sont pas spatialement superposables.
D’autres voies ne sont pas frères ou sœurs,
terres ou ciels, ciels ou flots.
Ces multiples voies sont Béniel et Énantia.
N° 70 haut
[Une phrase telle que : « D’autres voies ne sont pas frères ou sœurs », est possible en énantien, bien que le mot : « boua », soit neutre du point de vue du genre, grâce à l’adjonction d’attributs. Le texte dit en effet : « ti kavé tranéïξ kié oné ani bouaξ kêmisiξ va kemâξ », ce qui mot à mot signifie : « de autres voies ne sont pas sœurs/frères femelles (kêmisiξ) ou mâles (kemâξ) », ces deux derniers termes étant attestés chez Hélène Smith :
Ozânié viniâ ti mis bigâ kêmâ Zitêni viniâ ti mis bigâ kêmisi – Ozânié, nom d’un enfant mâle ; Zinêni, nom d’un enfant femelle.
texte n° 34, 8 mars – 4 juin 1899.]
L’appartenance des deux planètes « sœurs », la Terre et Énantia, à deux espaces-temps indépendants l’un de l’autre est ainsi explicitement affirmée. Et cela permet de comprendre pourquoi le manuscrit établit une distinction constante entre les « jumeaux » qui sont comme deux mains droites ou deux mains gauches – et ce sont des « frères/sœurs identiques » (parce que spatialement superposables) ; et d’autre part les « jumeaux » qui sont comme une main droite et une main gauche – et ce ne sont pas des « frères/sœurs identiques » (parce que spatialement non superposables).
Les jumeaux du premier type seraient issus d’une scission des temps et d’une partie de la réalité selon deux voies divergentes, avec réplication des êtres concernés en deux exemplaires spatialement superposables, et qui de ce fait coexisteraient dans le même univers d’espace-temps, — leur confinement venant du fait qu’ils appartiendraient désormais à deux lignes temporelles divergentes. C’est ce qui serait arrivé, selon le manuscrit, à l’île de Lara.
Le second type de jumeaux place l’exemplaire nouvellement crée (l’être « puîné ») dans l’espace-temps énantiomorphe de celui auquel appartient son modèle « aîné ». C’est ce processus, tout à fait différent du précédent, qui aurait permis l’apparition de Rem Érion au centre de l’océan Pacifique sud.
Et peut-être faut-il voir dans les trois dernières lignes du texte n° 70 haut, une allusion au fait que les « jumeaux énantiomorphes » sont susceptibles de se séparer, puis de se réunir à nouveau (comme ce qui s’est peut-être passé en 2026, l’exemplaire terrestre de Rem Érion retrouvant d’une manière ou d’une autre le chemin de son espace-temps d’origine) :
Et toutes ces voies étrangères, toutes ces voies proches,
sont des mains droites et des main gauches,
qui tour à tour s’étreignent et tout à tour se quittent.
N° 70 haut
d) 70 bas
Hanging Rock (représenté au n° 71, en compagnie de Martingale Manor au n° 69) est maintenant formellement identifié en tant que miza. Mais ce miza n’est pas un simple moyen de communication entre notre espace-temps et l’espace-temps « jumeau » (bien qu’énantiomorphe par rapport au nôtre), où se situent les îles de LaraShukun et de BénielDansil.
— En tant qu’« immatériel », ce portail entre les mondes est tributaire d’opérations psychiques permettant, à ceux-là seuls qui se révèlent capables de les mettre en œuvre, de se transférer, en corps et en esprit, d’un espace-temps à l’autre.
— Mais Hanging Rock ne met pas seulement en relation deux univers préexistants :
« Hanging Rock est un miza immatériel
où les mondes viennent à la rencontre les uns des autres ».
C’est donc lui qui, à la fourche des temps, aurait permis le dédoublement non réplicatif de l’île de Lara :
« Hanging Rock est un miza invisible
où les mondes viennent se greffer les uns aux autres »,
répliquant en même temps le voyageur qui provoque cette scission :
« Hanging Rock est le passage (tranéï)
où le voyageur devient couple de jumeaux. »
Hanging Rock, en tant que miza, permet donc à certains êtres humains (Jenaveve McCraw et les deux sœurs Waybourne) de passer d’un espace énantiomorphe à l’autre. Hanging Rock d’autre part provoqua le dédoublement de l’île énantienne de Lara en LaraShukun et BénielDansil, non par l’effet d’un simple transfert, de « Béniel » à « Énantia », d’un voyageur tel que Michael Fitzhubert (ou Jenaveve McCraw), mais par la scission de l’espace-temps énantien en deux univers alternatifs, avec LaraShakun dans sa ligne temporelle « aînée », et BénielDansial dans sa ligne temporelle « puînée ».
Ces deux types d’action attribués à Hanging Rock — transfert d’un espace-temps énantiomorphe à l’autre et scission des temps au sein d’un même espace — ne sont pas nécessairement liés.
Autrement dit, ceux qui empruntent la « tranéï de Hanging Rock » passent de la Terre en Énantia, ou d’Énantia à la Terre, mais de tels transferts n’ont pas pour effet de diviser le temps (dans l’univers de la Terre ou dans celui d’Énantia) : rien, dans le manuscrit, ne laisse en effet supposer que Miranda et Marion Waybourne, bien qu’elles aient franchi la tranéï de Hanging Rock, aient été à l’origine, en Énantia ou ailleurs, d’un dédoublement de leurs personnes en même temps que de l’espace-temps énantien.
Il n’en va pas de même pour Michael Fitzhubert, qui franchit, il est vrai, non la tranéï de Hanging Rock, mais les tranéïξ « du Kokoda Trail », et « de l’hôpital Glendale ».
Pourtant, le manuscrit affirme bel et bien :
Hanging Rock né zé tranéï
va zé tirpé kavatéï kismis ti kièté
« Hanging Rock est le passage
où le voyageur devient couple de jumeaux ».
Il faut par conséquent supposer, puisque Michael Fitzhubert n’a jamais emprunté la tranéï cachée dans l’amas rocheux de Hanging Rock, que le nom de Hanging Rock désigne dans le manuscrit et une tranéï (une « porte ») clairement localisée au nord-ouest de Melbourne, et l’ensemble du miza (du système de portes communicantes) auquel cette tranéï donne accès — miza qui comprend les tranéïξ se trouvant respectivement sur LaraShukun et BénielDansil, ainsi peut-être que celles, apparemment plus éphémères, « du Kokoda Trail », « de Starbuck », « et de l’hôpital Glendale »[3].
[1]. À une date que, sans pouvoir le démontrer de manière définitive, j’ai de bonnes raisons de croire être la nuit du 4 au 5 juin 2026.
[2]. Selon Hélène Smith, les habitants d’Espénié appellent notre terre « Béniel ».
[3]. À moins que Michael Fitzhubert ait acquis, à l’instar des avaïnée/avaïna d’Espénié, la capacité de se projeter d’un univers à l’autre sans l’aide d’aucun miza.












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