note rédigée par Nael di Faella (2029)
et trouvée dans ses papiers après son départ pour Énantia (2038)
La tapisserie Sucharys superpose des éléments géographiques appartenant aux deux planètes énantiomorphes sœurs, la Terre et Énantia. Comme la présence de Rem Érion au large de la Nouvelle Zélande est désormais un fait massif autant que lourd de conséquences, cette migration d’une planète à l’autre ne semble pas exiger la moindre justification, ayant été acquise dans la douleur, et sans préavis.
Il faut cependant se souvenir qu’à l’époque où la tapisserie Sucharys fut réalisée, il n’y avait aucune raison empirique « naturelle » de faire figurer Rem Érion dans les étendues depuis toujours désertes de l’océan Pacifique sud. Force est donc d’attribuer à Sara Waybourne (ou à la mystérieuse « voix » qui, selon elle, la guidait de manière impérieuse) un extraordinaire don de prescience.
Ce don cependant est-il cause de l’intrusion des autres éléments adventices qui figurent dans sa cartographie de l’océan Pacifique terrestre ? Devons-nous considérer leur présence comme ayant valeur de prophétie ? Sont-ils de nature purement fantaisiste ? Ou pire encore, relèverait-t-ils de la pathologie ?
Rem Érion, deux fois
La tapisserie Sucharys insère, dans le cadre ordinaire de l’océan Pacifique, trois formations énantiennes :
— Dans sa partie est, à des latitudes allant du Mexique au cap Horn, se trouve représenté (à une échelle fortement réduite) l’ensemble des terres émergées de la planète Énantia.
— Dans sa partie nord, entre le détroit de Behring et l’archipel des Hawaï, l’île de Lara (Larua), telle qu’elle se trouve abondamment évoquée et représentée dans les premiers chapitres du manuscrit LaraDansil.
— Au large de la Nouvelle Zélande, l’île-continent de Rem Érion, là précisément où celle-ci allait manifester sa présence « officielle », du 16 mars 2021 à la nuit du 4 au 5 juin 2026, apparaissant et disparaissant de manière identiquement et massivement incompréhensible.
Il est indéniable que Rem Érion, qui n’eut pour nous d’existence avérée que durant cinq ans, un laps de temps pour finir très court, existait « quelque part et pas sur terre » avant sa brusque apparition dans l’océan pacifique en 2021[1]. La tapisserie Sucharys (et le portulan qui l’accompagne) nous fournit l’amorce d’une réponse. On y observe en effet côte à côte deux occurrences de cette vaste formation géographique : une première fois, là où elle fit récemment son apparition sur terre, et une seconde fois, dans son environnement énantien naturel (représenté il est vrai à une échelle beaucoup plus réduite).
La tapisserie Sucharys (représentée comme achevée),
avec les deux occurrences de Rem Érion
Détails (échelle non respectée)
Détails mis en alignement (échelle respectée)
Nous connaissons les dimensions de Rem Érion : son extension est/ouest est, comme l’Australie, d’environ 4000 km. Or entre les deux représentations réalisées par Sara Waybourne, le facteur de réduction/expansion est d’approximativement x4. Cela signifie que l’archipel d’Énantia a une « longueur » d’environ 36000 km. Et comme cet archipel se déploie tout au long de l’équateur de sa planète, nous sommes en mesure de conclure que la taille d’Énantia est du même ordre de grandeur que celle de la Terre.
Les visages de Lara (LaraKajun)
Il existe d’autre part, et sur la tapisserie Sucharys et sur le portulan de Sara Waybourne, deux représentations de l’île de Lara.

LaraKajun, l’île aînée du manuscrit LaraDansil, dans ses deux manifestations
(entre les deux représentations, une rotation d’une cinquantaine de degrés,
égale à celle qui, sur la tapisserie comme sur le portulan,
affecte la représentation de l’archipel d’Énantia tout entier)
La taille de l’île de Lara, telle qu’elle apparaît dans le nord de l’Océan pacifique, est elle aussi approximativement quatre fois plus grande que celle qu’on peut observer dans son contexte géographique d’origine ; on peut donc supposer que la plus grande correspond là aussi à sa taille naturelle, ce qui lui donnerait une extension nord/sud maximale de l’ordre de 800 km.
Mais le manuscrit LaraDansil ne faisant nulle mention d’une possible translocation de l’île de Lara d’Énantia vers la planète Terre[2], on ne sait pas avec certitude si sa localisation, à mi chemin entre l’Asie et l’Amérique, correspond à une apparition « historique » de cette île dans les eaux de l’océan Pacifique, analogue à celle qui affecta Rem Érion.
Dans le manuscrit LaraDansil
N° 2 N° 6
N° 60 N° 66
N° 72 N° 78
Représentations de Lara figurant dans le manuscrit LaraDansil
(elles sont ici, sauf la première, « en miroir »
par rapport à celles de la tapisserie Sucharys)
L’île en taille réelle correspond, dans le manuscrit LaraDansil, aux représentations n° 2 et 6 (mais dans l’orientation du n° 2), et la seconde (en réduction) semble intermédiaire entre celle du n° 66 (chapitre 9, où l’île se nomme « Kakun ») et du n° 72 (chapitre 10, où l’île est devenue « Shakun »).
Il n’en reste pas moins que l’énigme principale demeure celle d’une éventuelle présence dans l’océan Pacifique, à une époque éloignée des temps historiques dont nous avons connaissance, d’une version réduite de l’archipel énantien tout entier.
On ne voit pas très bien, au cas où une telle translocation physique aurait effectivement eu lieu (ou devrait voir lieu), comment les habitants de l’archipel, réduits au quart de leur taille, auraient pu sans problème, ou pourront sans problème interagir avec leur environnement terrestre. Et nous devons par là même nous demander si cette incongruité physique ne serait pas de nature à battre en brèche la valeur informative (ou prédictive) que nous sommes légitimement susceptibles d’accorder à la tapisserie Sucharys.
Il se trouve que j’ai, dans le cadre de mes activités professionnelles et par le plus grand des hasards, découvert un extraordinaire lot de cartes publiées sur un site datant d’avant le grand effondrement informatique mondial de 2024[3]. Travaillant fin 2026 à la restauration des fichiers d’une entreprise de marketing suédoise, je découvris en effet que la veille de la mutation de tous ses disques durs, quelqu’un avait stocké, dans le cadre d’un projet de campagne promotionnelle, le contenu d’un dossier internet intitulé : Terres imaginaires, dossier téléchargé à partir du site aujourd’hui défunt : Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre.
Ce site, professant des convictions rationalistes aussi étroites que militantes, s’était donné pour mission de discréditer tout ce qui à son jugement outrepassait la perception immédiate de la réalité matérielle la plus commune. Autant dire que, pour les auteurs de Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre, Énantia n’existait en aucune des significations que l’on peut décemment attribuer à ce terme. À en croire ces anonymes publicistes, les cerveaux perturbés de S-21 et de Sara Waybourne auraient souffert de sévères anomalies ; et bien entendu Énantia, dont la réalité se résume à une série de troubles dans la sécrétion de certains neurotransmetteurs, n’avait dans le monde aucune contrepartie en dehors des chimères qui avaient par contrecoup envahi leurs esprits. (Il est amusant de signaler, au vu des désastres que l’humanité tout entière subit par sa propre faute après l’apparition de Rem Érion, que les deux musées de Copenhague — Endetidsmuseet et Andenverdensmuseet — respectivement consacrés aux œuvres de S-21 et de Dénoshay Énaïva, ainsi que le Fairfaith Museum de Martingale Manor, y étaient dénoncés comme exploitant, cyniquement et par esprit de lucre, la crédulité des faibles d’esprit.)
Dans le dossier : Terres imaginaires (qui seul m’intéresse ici), figuraient, à titre d’illustrations à charge, un certain nombre de cartes représentant des Continents disparus, comme l’Atlantide, Mu, la Lémurie, les canaux de Mars, etc., ainsi que des représentations de la cité cyclopéenne de Cydonia, etc. J’eus la surprise d’y découvrir une sous-section traitant de la planète, ou si l’on préfère, des archipels et de l’île continentale collectivement appelés : « Énantia ». Les auteurs de Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre, tout à leur fougue vengeresse autant que salvatrice, ont malheureusement négligé de mentionner d’où ils tenaient ces documents exceptionnels ; en raison de cette regrettable omission, leur origine nous reste à ce jour inconnue.
Les permaliens et autres données indexées au dossier indiquaient seulement que son téléchargement avait été effectué le 26 février 2024 à partir d’un exemplaire lui-même téléchargé en 2018, mais dont, hélas !, les identifiants avaient été réséqués du nodule intrapolable. Il m’a été possible de déterminer cependant que l’original du dossier : Terres imaginaires, avait été initialement mis en ligne en 2013 — huit ans avant l’apparition, aussi intempestive que potentiellement catastrophique, de Rem Érion au cœur de l’océan Pacifique.
L’élément crucial dans cette affaire est que certaines des cartes publiées dans Terres imaginaires contiennent des configurations géographiques reproduisant avec exactitude celles qu’on trouve et dans le manuscrit LaraDansil (réalisé, je le rappelle, avant 1886) et dans la tapisserie Sucharys. Il exista donc, au sujet d’Énantia, longtemps avant que l’apparition de Rem Érion ne change du tout au tout des données du problème, un courant souterrain aux multiples facettes, dont on a aujourd’hui tout lieu de penser que sa source était bel et bien la planète Énantia en personne.
Quelques cartes trouvées dans le dossier :
Terres imaginaires
Planisphères d’Énantia
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre – Terres imaginaires, 1-9
Planisphère légendée d’Énantia
L’archipel planétaire est ici divisé en quatre sous-ensembles, respectivement appelés en allant d’ouest en est : Énantidem, Sakause, Rimade et Eisa. L’île de Lara fait partie, avec Ukabe, de Sakause, tandis que Rem Érion (ici appelée Nixue) constitue la partie la plus à l’est du grand continent d’Énantidem.
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre – Terres imaginaires, 1-1
Planisphère d’Énantia, avec l’île de Lara dans son état initial
L’île de Lara est maintenant représentée dans son état initial, ou quasiment initial (cf. Manuscrit LaraDansil, chapitre 1) et se trouve insérée dans son environnement énantien naturel, entre la grande île d’Ukabe et l’archipel de Rimade.
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre – Terres imaginaires, 1-2
Planisphère d’Énantia
Sur cette carte, par ailleurs quasiment identique à la précédente, la destruction de l’île de Lara est bien avancée : elle en est arrivée au stade où le manuscrit LaraDansil, chapitre 7, lui attribue le nom de « Kajun ».
Détail des deux planisphères précédents
Pour mémoire.
Planisphère d’Énantia selon la tapisserie Sucharys et le portulan de Sara Waybourne :
La tapisserie Sucharys (détail) – L’archipel d’Énantia réduit,
tel qu’il figure dans la partie est de l’océan Pacifique
Le planisphère le plus étonnant de la série des Terres imaginaires est cependant celui qui représente, l’une au-dessus de l’autre, les deux îles sœurs de LaraShukun (ici en tant que Kaju) et de BénielDansil (ici en tant que Dénial).
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre – Terres imaginaires, 1-5
Planisphère d’Énantia, avec, superposées, Kaju au nord et Dénial au sud.
Vue d’ensemble, puis détail des trois îles d’Ukabe, Kaju et Dénial
Lara (LaraKajun)
Il y a de plus, dans les Terres imaginaires, deux représentations de l’île de LaraKajun (ici appelée Lara énantianne) à des stades différents de son démantèlement.
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre,
Terres imaginaires, 4-2 et 4-3 – Lara énantianne
La seconde carte est intermédiaire entre celles qui figurent aux n° 60 (chapitre 8, « Kajun ») et 78 (chapitre 11, « Shukun ») du manuscrit, sans être cependant exactement identique à celles des n° 66 (chapitre 9, « Kakun ») et 72 (chapitre 10 « Shakun »).
La première en revanche est pratiquement identique à celles que l’on trouve au n° 2 du manuscrit (en tant que « Lara » ou « Larua ») et, sur la tapisserie Sucharys, dans la partie nord de l’océan Pacifique.
Béniel (DénialDansil)
1°. Dans le dossier des terres imaginaires
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre,
Terres imaginaires, 4-6 – Dénial Énantianne
2°. Dans le manuscrit LaraDansil
Manuscrit LaraDansil, n° 46 – Dénial
Il s’agit bien de la même île, au même stade de sa destruction progressive par submersion.
4 Rem Érion
Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre – Terres imaginaires, 7-3 – Rem Érion
Rem Érion se trouve, comme sur la tapisserie Sucharys, situé là exactement où il devait apparaître le 16 mars 2021. (Rappelons une fois de plus que les cartes figurant dans le dossier des Terres Imaginaires datent d’avant 2013, et que la tapisserie Sucharys a été réalisée entre 1948 et 1959.)
Le manuscrit LaraDansil distingue absolument LaraShukun (qu’il appelle « l’île aînée ») de BénielDansil (« l’île puînée »). Ce sont cependant, selon ses propres dires, des « îles sœurs ». Or la tapisserie Sucharys ne mentionne nulle part BénielDansil ; il n’en va pas de même pour les Terres Imaginaires, où celle-ci se trouve bel et bien associée à LaraKajun.
Un tel fait conforte bien entendu l’hypothèse selon laquelle les deux « îles sœurs » ont simultanément existé en Énantia ; il n’en reste pas moins qu’un point d’interrogation subsiste : Terres Imaginaires les fait se côtoyer en une seule et unique occurrence, tandis que, dans le manuscrit LaraDansil, les deux avatars de la même LaraShukun : LaraAgru d’une part, KakunShukun d’autre part, précèdent et suivent la brève apparition de BénielDansil (en tant que BénialDanial) sur Énantia. Il est par conséquent légitime de se demander ce qu’est devenue l’île puînée du manuscrit après qu’elle fut devenue DanialDansil[4].
La tapisserie Sucharys enveloppe une inversion temporelle : tout se passe en effet comme si Sara Waybourne avait été au courant de la future apparition de Rem Érion, un événement de nature absolument imprévisible, qui devait survenir soixante et un ans après sa mort.
Comme le dossier Terres imaginaires contient une carte où, au même endroit de la planisphère d’Énantia représentée par Sara Waybourne, se trouve Rem Érion, et une autre ou ce même Rem Érion figure au large de la Nouvelle Zélande, on peut imaginer, dans l’espoir d’expliquer cette inversion dans le flux de la causalité ordinaire des événements, que Sara Waybourne, peut-être par l’intermédiaire de la bibliothèque de son père, a eu accès à la source iconographique à laquelle le site de Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre a lui-même puisé. Outre le fait que cela neutraliserait le « paradoxe » d’une causalité à rebours dont Sara Fitzhubert aurait été l’agent ou le vecteur involontaire, cette hypothèse aurait l’avantage d’expliquer d’où proviennent les « terres énantiannes » représentées dans le dossier des Terres imaginaires.
Aucune évidence matérielle ne vient bien entendu confirmer ou infirmer cette supposition, puisque l’origine des cartes contenues dans les Terres imaginaires demeure inconnue, tandis que nul ne sait ce que contenaient les documents qui disparurent de la bibliothèque du colonel Fitzhubert juste avant sa mort.
Mais c’est reculer pour mieux sauter : il faudrait alors attribuer à cette source iconographique inconnue, et nécessairement antérieure à 1886, cette même faculté de prescience que l’on veut justement refuser à Sara Waybourne (ou à S-21). Ainsi, même s’il était avéré que ces trois ensembles de documents (le manuscrit LaraDansil, la tapisserie Sucharys et le dossier des Terres Imaginaires) ont puisé à une même source iconographique, le « paradoxe temporel » lié aux représentations de Rem Érion au cœur de l’océan Pacifique n’en serait nullement dissipé.
[1]. M’étant moi-même rendu en Rem Érion, je suis en mesure de certifier que ses habitants se souviennent parfaitement bien des événements qui, dans leur passé, marquèrent l’évolution de leur société et de leur habitat naturel. Témoigne aussi de ce passé l’ancienneté de nombreux sites d’occupation de leur territoire, et en particulier des « mausolées » où se retirèrent les ancêtres des occupants actuels de l’île, et dont la « pétrification » remonte dans certains cas à plusieurs siècles. Il faudrait être un créationniste d’un nouveau genre pour prétendre que l’île de Rem Érion fut créée ex nihilo le 16 mars 2021 par une quelconque entité (et accessoirement retourna au néant le 5 juin 2026).
[2]. Voyez plus loin comment l’Odyssée des Disparu(e)s, de ce même Nael di Faella, dissipe le mystère. [Note d’Helena Stang, 2040]
[3]. J’exerce, depuis 2026, la profession de récupérateur de données perdues. Rappelons que, lors du grand crash qui signa l’arrêt de mort du système économique mondial ultra-libéral d’alors, les données de la quasi-totalité des ordinateurs du monde ne furent pas à proprement parler effacées, mais transformées en un absurde galimatias de symboles privés de signification. Pire encore : ce furent les langages binaires fondamentaux (les « langages-machine ») dans lesquels étaient écrits les programmes de base permettant la mise en œuvre de tous les programmes immédiatement opérationnels qui se trouvèrent tout d’abord corrompus. Et comme ceux-ci régissaient la totalité des programmes qui leur étaient asservis, les informations contenues dans tous les dossiers et tous les fichiers des ordinateurs alors reliés à la toile mondiale furent par contrecoup converties en un baragouin dont la structure globale s’apparentait plus à un bruit de fond qu’à un message crypté, — bien que ce magma de 0 et de 1 conservait à petite échelle un assez haut degré d’inhomogénéité chaotique.
Pour récupérer les données ainsi perdues (mais non détruites), il faut être en mesure de réinterpréter le détail des programmes mutés dans chacun des dossiers pris isolément, c’est-à-dire préalablement isolés de l’ensemble hiérarchique dont ils faisaient partie, et qui seul permettait précédemment leur mise en œuvre. Heureusement pour les récupérateurs de données, et malheureusement pour les anciens propriétaires et utilisateurs de ces données, la réécriture des dossiers et fichiers ainsi mis en quarantaine (ou si l’on préfère, réduits à l’état de « corps noir informatique ») ne peut être effectuée de façon mécanique : lors de la mutation du web mondial, chaque programme opérationnel a en effet réagi de manière holistique, comme s’il était une instruction particulière intégrée dans un unique et gigantesque programme réparti sur l’ensemble de la toile, en sorte que chaque bloc de données a muté, non à titre de dossier isolé que l’on pourrait restaurer grâce à des algorithmes uniformes, mais en tant que partie indissociable d’une monstrueuse entité computationnelle, dont toutes les parties se réfléchiraient les unes dans les autres, chacune s’intégrant dans l’ensemble comme la vague dans l’océan, et l’ensemble s’insérant en chacune comme le noyau de la cellule dans l’organisme.
Pour cette raison, chaque dossier et chaque fichier doit être individuellement restitué pas à pas. Restaurer les données perdues d’une banque d’affaires, d’un service de police ou d’un département d’université spécialisé dans la littérature du Moyen-âge…, demeure et demeurera longtemps une entreprise artisanale. Or je suis parvenu à élaborer pour ce faire une vaste gamme de procédures, aussi baroques que variées, mais relativement performantes ; les besoins étant immenses et nombreux les demandeurs, je n’ai jamais eu à solliciter de commandes ni manqué de clientèle.
[4]. Et bien que le manuscrit soit totalement muet à ce sujet, on peut aussi s’interroger sur la localisation de Béniel avant que cette île en soit venue à jouer un rôle clé dans la tragédie qu’actèrent quatre membres de la Maison Fitzhubert.

























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