Béniel la matérielle

 

 

 

Harald Langstrøm

 

 

 

Le manuscrit LaraDansil appelle Béniél l’île cadette, qui apparut à l’occasion de la « scission du temps », et au départ se comporta comme une sorte de « jumelle hétérozygote » de l’île originaire de Lara (voir à ce sujet la carte-silhouette figurant au chapitre 2, n° 14). Cette île nouvelle se trouvait située dans la partie nord de l’océan Pacifique, les deux îles-sœurs étant, à l’instar des planètes Terre (appelée Béniel) et Énantia, ces « mains droites et (…) mains gauches / qui tour à tour s’étreignent et tour à tour se quittent ».

D’autres voies ne sont pas frères ou sœurs,
terres ou ciels, ciels ou flots.
Ces multiples voies sont Béniel et Énantia.
Et toutes ces voies étrangères, toutes ces voies proches,
sont des mains droites et des main gauches,
qui tour à tour s’étreignent et tout à tour se quittent.

Chapitre 10, n° 70, haut

Les destinées parallèles des deux îles, qui pour finir deviendront des archipels épars, se développent, du chapitre 4 au chapitre 11, en deux grands épisodes :

a) L’« échange des catastrophes ».

Au chapitre 4, conséquence du dédoublement cataclysmique des îles, une « bombe » tonne sur Béniel, tandis que qu’une éruption sur Lara-Aru hurle :

Adieu adieu port qui s’éloigne, adieu adieu monde qui prend le large.
Moi et toi, toi et moi désormais sommes étrangers l’un à l’autre.
Jamais ne nous reverrons.
L’explosion de la bombe qui près de moi sur Béniel tonne,
l’éruption qui là-bas en Aru hurle,
deux fracas qui ne finiront pas de briser notre étreinte.

Chapitre 4 n° 24

Au chapitre 5, Miranda, parlant au nom de son île (Agru-Lara) dit avoir attiré à elle « la bombe » qui allait anéantir Béniel :

AgruBéniel.
J’ai fait venir à moi la bombe qui allait anéantir ton monde.
J’ai pris sur moi la destruction des animaux des plantes et des fleurs.
J’ai pris sur moi l’anéantissement inéluctable d’Agru.
Tout cela pour que ton monde vive.
Promets-moi qu’il vivra.

Chapitre 5, n° 30

tandis qu’en échange Marion (parlant au nom de Béniel) faisait venir à elle l’éruption :

BenielAgru.
J’ai fait venir à moi l’éruption qui allait brûler ton île.
J’ai pris sur moi la nuée ardente, la destruction de ma ville.
J’ai pris sur moi l’obscurcissement durable de mon ciel.
Tout cela pour que mon monde soit sauvé.
Et pour qu’il nous vienne en aide.

Chapitre 5, n° 32

[On ne sait pas si, dans le dédoublement des îles, la faune et la flore de Lara fut dans un premier temps reproduite sur Béniel, puis (instantanément détruite par « la bombe »)[1] ; toujours est-il qu’à l’issue de leur exode dirigé par Marion Waybourne, les Snoutobreξ s’installèrent sur une terre apparemment vierge de toute faune. Mais la raison pour laquelle il n’était pas possible que la vie soit préservée sur Lara, alors qu’elle put l’être sur Béniel malgré le transport de l’éruption d’une île à l’autre, est un complet mystère — le manuscrit LaraDansil demeurant parfaitement muet sur ce sujet[2].]

b) La migration d’une île à l’autre.

L’échange des catastrophes une fois accompli, Miranda et Marion Waybourne[3] purent organiser la migration des Snoutobreξ. Il fallut pour ce faire ouvrir un passage d’une planète et d’une île à l’autre[4] :

Passant par Hanging Rock, il existe un chemin
qui mène de Kaju en Dénial.
C’est ce chemin qu’empruntèrent
Dabe Datsawima et tous les Snoutobreξ,
c’est grâce à ce chemin que fut sauvée la vie de tous.

Chapitre 7, n° 48

puis, à la manière de Robinsons, organiser la vie dans cette nouvelle demeure, Marion de plus portant le deuil de sa sœur (et de Jenaveve McCraw ?) qui s’était sacrifiée pour elle :

L’archipel des fleurs, second berceau des Snoutobreξ.
Un nom pour l’archipel puîné, Marion Soir
écoute chanter les Dabe Datsavima,
Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant.

Chapitre 11, n° 77

N.B. — Les deux îles, aînée et puînée, ne portent qu’au tout début les noms de Lara et de Béniel, mais changent continuellement d’identité au fil du processus qu’elles subissent et que nous décrit le manuscrit Lara-Dansil. Ainsi Lara devient ultimement Shukun ; et Béniel, Dansil, cette dernière passant par les dénominations intermédiaires de : Bénial — Dénial — Danial — Dasial — Dansial.

Il n’est cependant jamais question, dans l’ensemble des « sources énantiennes » à notre disposition, d’aucun de ces noms, à l’exception justement de celui de Béniel[5].

 

 

1.

 

 

Les noms de Béniel et d’Espénié sont attestés chez Hélène Smith, alors qu’il n’est chez elle nulle part question de Lara ou d’Énantia.

— La planète Mars serait, d’après elle, appelée « Espénié » par ses habitants. — Plus exactement, l’endroit qu’elle visitait lors de ses transes, et qu’il appelaient Espénié, aurait été, croyait-elle (à tort), la planète Mars, ainsi qu’en témoigne les textes 6, 7 et 31 :

ti iche cêné éspênié ni ti êzi atèv astané êzi érié vizê é vi…
De notre belle Espénié et de mon être Astané, mon âme descend à toi…

Texte 6, 13 décembre 1896

cé êvé plêva ti di bénèz éssat riz tès midée durée cé ténassé riz iche éspênié vétéche i éché atev hêné
Je suis chagrin de te retrouver vivant sur cette laide terre ; je voudrais sur notre Espénié voir tout ton être s’élever

Texte 7, 15 décembre 1896

[Le couple de verbes opposés/complémentaires : vizê, « descendre »/hêné, « s’élever », caractérise ici déjà la nature de la voie de communication s’ouvrant entre Béniel et Espénié. Pour Hélène Smith, la voie qui mène de notre planète à Espénié est en effet une voie qui « monte » (hêné), voie qui « descend » (visê) dans l’autre sens.]

Râmié bisti ti Espênié ché dimé ûni zi trimazi tié vadâzaξ di anizié bana miraξ Ramié di trinir tié toumaξ ti bé animinâ ni tiche di uzir nâmi ti Espênié
Ramié habitant de Espénié, ton semblable par la force des « vadazas », te envoie trois adieux. Ramié te parlera des charmes de sa existence et bientôt te dira beaucoup de Espénié.

 

Texte 31, 27 octobre-18 décembre 1898

Il est d’autre part remarquable que le nom d’Énantia, qui désigne authentiquement la planète qu’elle visitait durant ses transes hypnotiques, n’apparaisse jamais sous sa plume. Or selon toutes les sources dont nous disposons par ailleurs, Espénié n’est pas le nom d’une planète, mais d’un archipel de taille relativement modeste, situé au large d’Ennarée, la partie du continent d’Énantidem faisant face à Nixue — le nom que porte, sur Énantia, la grande île (ou presqu’île) de Rem Érion.

 

Espenie sur le planisphere Enantia

Carte du continent d’Énantidem (et de Sakause) avec la localisation d’Espénié. — Détail d’un planisphère retrouvé sur le site : Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre).

 

Ainsi, contrairement à ce que pensait Hélène Smith, Espénié n’est pas le nom de la planète qu’elle visitait au cours de ses transes, mais celui de l’archipel où résidaient les Énantiens qu’elle rencontrait.

 — Béniel serait, toujours d’après elle, le nom que les « martiens » donnent à notre Terre — laquelle est aussi désignée par le mot de : durée, un mot qui en réalité s’applique à toutes les « terres », c’est-à-dire aux planètes telluriques en général, malgré ce que nous en dit Théodore Flournoy :

« Béniel, nom propre de notre Terre vue de Mars (laquelle s’appelle, d’autre part, Durée dans les textes 7 et 9). »

Théodore Flournoy, Des Indes à la planète Mars, p. 223.

Ainsi :

 ané éni ké éréduté cé ilassuné té imâ ni bétiné chée durée
C’est ici que, solitaire, je m’approche du ciel et regarde la terre.

Assoupie dans son fauteuil après le repas de midi, Hélène entend cette phrase en même temps qu’elle a la vision d’une maison, creusée dans une montagne martienne traversée par une sorte de puits, et représentant l’observatoire d’Astané.

Texte 9, Auditif. 24 février 1897 (trad. 14 mars)

[Pour le texte 7, voir plus haut.]

 

 

2.

 

 

Dans les œuvres de S-21 aussi, Béniel désigne notre planète, non seulement en ce qu’elle a de laid et de grossier, comme chez Hélène Smith, mais plus profondément encore, comme symbole d’une véritable malédiction puisque ce nom est associé à la prison de Tuol Sleng, haut lieu du génocide khmer rouge, où enfant il séjourna de longs mois après l’arrestation de sa mère. Curieusement cependant, si ce terme est associé, dans ses œuvres picturales, à l’expulsion d’Adam et Ève du paradis terrestre, Espénié n’est pas toujours décrit comme un séjour paradisiaque, — bien qu’on s’y rende toujours en empruntant un « chemin qui monte ». Mais le « chemin qui va vers le ciel » n’est-il pas aussi, pour S-21, celui qui mène à la mort ? Et la « voie qui monte » n’est-elle pas aussi une « voie qui descend » ?

 

MK 1-2 Copenhague

S-21 — MK 1-2. Copenhague, le pont Dronning Louise

Détails :

 

MK 1-21 Copenhague

Légende en espénien : zi viséï ladé Espénié – La (voie qui) monte vers Espénié.
Le bâtiment représenté est AYAK SVOKAYAM, situé sur Énantia ;  c’est là que l’Enfant Sans-nom (S-21), tout juste échappé de Tuol Sleng,  fut recueilli par la jeune espénienne Yashoni nikaïné

 

MK 1-22 Copenhague

Légende en khmer (répétée deux fois, à droite et à gauche de l’œuvre)
« Service S-21 »
« S-21 » [signature (blaze) de l’artiste]
« Khmers rouges »

 

MK 1-23 Copenhague

Légende en espénien : zi hênéï ladé Béniel – La (voie qui) descend vers Béniel.
Le bâtiment représenté est la prison de Tuol Sleng à Phnom Penh.

 

De leur côté, plusieurs images au pochoir qui se réfèrent au texte de la Bible se révèlent éminemment ambiguës. Si le chemin qui mène à Espénié est toujours une « voie qui monte », et si la « voie qui descend » mène toujours à Béniel, S-21 ne sait pas très bien si le pays de la vie et de l’espérance se trouve situé sur Béniel ou sur Espénié, ni si le fait d’en être expulsé revient à emprunter une « voie qui monte » ou une « voie qui descend » :

 

La voie qui descend vers Beniel 1      La voie qui monte vers Espenie 1

S-21 — Légende : zi hênéï ladé Béniel — La (voie qui) descend vers Béniel.
À gauche : le paradis terrestre,
À droite : Adam et Ève expulsés du paradis.

 

La voie qui monte vers Espenie 1      La voie qui monte vers Espenie 2

S-21 — Légende : zi viséï ladé Espénié – La (voie qui) monte vers Espénié.
À gauche : le paradis terrestre,
À droite : Adam et Ève expulsés du paradis.

 Reconstitution de quatre modèles de pochoirs réalisés par S-21,
où se trouve proposée une angoissante alternative.

 

MK 22

S-21. — MK 22. Maison située au carrefour de Prins Jørgensgade et Stengade (Nørrebro, Copenhague)

 

 MK 22a

Les trois petits pochoirs de S-21 sont :
À gauche : zi hênéï ladé Béniel — La (voie qui) descend vers Béniel, avec le paradis terrestre
Au milieu : zi hênéï zi viséï misée ni tousée — La (voie qui) descend, la (voie qui) monte, une et même, avec l’échelle de Jacob
À droite : zi viséï ladé Espénié – La (voie qui) monte vers Espénié, avec l’expulsion du paradis.

 

Ainsi, le secret de S-21 (et son angoisse la plus profonde peut-être) est que :

 

E6A aSk (R)

S-21 — Légende : zi hênéï zi viséï misée ni tousée
— La (voie qui) descend, la (voie qui) monte, une et même, avec l’échelle de Jacob

 

 

3.

 

 

Dans le manuscrit LaraDansil, le nom de « Béniel » est celui que prend l’île puînée immédiatement après sa séparation de Lara, et n’implique aucun jugement péjoratif ; c’est même dans cette île, devenue une arche (un nouveau paradis ?), que la vie, après avoir quitté l’île condamnée de Lara, pourra renaître et resplendir de nouveau.

L’hypothèse de Neal di Faella est cependant que « Béniel » apparaît ici en tant que terme générique désignant toutes les terres et toutes les planètes appartenant — du point de vue de la division de l’univers en deux moitiés énantiomorphes l’une par rapport à l’autre — au même demi univers que la Terre, tandis qu’Énantia désignerait, en tant que terme générique symétrique, toutes les terres et toutes les planètes appartenant au même demi univers que l’archipel d’Espénié, que visita Hélène Smith et où se rendit S-21 après qu’il ait miraculeusement réussi à s’enfuir de la prison de Tuol Sleng. En effet :

*VOIE du TEMPS multiple LABYRINTHE sortie ET prison
*PREMIERE VOIE larashakun MUTILEE est mort
*SECONDE VOIE benieldansial SEULE est vie
*CES DEUX frère/sœur comme AINE PUINE
*CES DEUX frère/sœur comme HOMME HOMME
*CES DEUX frère/sœur comme FEMME FEMME
*CES DEUX frère/sœur comme ENANTIA ENANTIA
*CES DEUX frère/sœur comme BENIEL BENIEL

manuscrit LaraDansil, chapitre 10, n° 67

La tapisserie Sucharys, ainsi que tous les planisphères retrouvés plus tard par Nael di Faella sur le site : Parapsychologie sans parachute ni paratonnerre, laissent de plus entendre qu’à une certaine époque de notre passé (ou de notre futur) un double de Lara — ou l’original même de cette île, et plus probablement encore cet avatar de Lara qui a pour nom Béniel) fut, tout comme Rem Érion, transféré d’Énantia jusque sur terre, et plus précisément dans la partie septentrionale de l’Océan pacifique :

 

Pacifique nord Tapisserie

La tapisserie Sucharys (détail).
Au centre de la partie septentrionale de l’Océan pacifique, l’île de Lara.
(On distingue, en bas de l’image, un fragment de l’archipel d’Enantia.)

 

 

4.

 

 

Et en ce qui concerne la signification propre du mot énantien : Béniel, le Codex espeniensis de son côté nous apporte une importante précision. Il semble en effet que « Béniel » soit dérivé du substantif : bénié, « matière », et de l’adjectif : béniev, matériel. On trouve en effet dans ce Codex les paragraphes suivants :

 

Page 9

Codex espeniensis, page 9

 

Soit, pour les trois dernières strophes :

Iéttanâ né bênié
mendèchée ni kémendèchée

obzi Iéttanâ né ébrinié
patrinèz zi ébrinié ti Iéttanâ
né misé ébrinié rudinézir kézakée.
patrinèz zi ébrinié ti Iéttanâ
né misé ébrinié rudinézir kémendèchée

obzi iné kétriné toué Iéttanâ
tubré firêzé atèv rabrinêzé.
patrinèz zi ébrinié kié né
mèd zi bênié ébrinêzée hédé touzé
kani kâ zamèche
zi mazêté ké idé rès pové tou hédé

 

L’Univers est matière
humaine et non humaine.

Si l’Univers est pensée,
alors la pensée de l’Univers
est une pensée <  > non animale ;
alors la pensée de l’Univers
est une pensée <  > non humaine.

Si au contraire dans l’Univers
seuls certains êtres pensent —
alors la pensée n’est,
pour la matière pensante elle-même,
rien qui vaille
la peine qu’on s’y arrête.


 Le mot : zi bénié, « la matière », est ainsi en relation de complémentarité/opposition avec : zi ébrinié, « la pensée ». Béniel, en tant que nom propre, signifie donc quelque chose comme « La matérielle ».

Cette qualification est relativement conforme aux conceptions d’Hélène Smith, bien qu’elle croyait visiter en esprit seulement une planète Mars qui aurait été tout à fait matérielle pour ses habitants, mais qui s’opposait, en tant que monde hautement spirituel et idéaliste, à la Terre, considérée comme s’adonnant à des préoccupations grossièrement matérialistes.

Rien en revanche, dans les aventures de S-21 et de Yashoni nikaïné, ne laisse entendre que l’Éspénié dans laquelle ils séjournèrent longuement en corps et en esprit était spécifiquement de nature spirituelle, et que les préoccupations des Espéniens étaient exclusivement, ou même particulièrement, « éthérées » ou « théosophiques ».

 

 

5.

 

 

Je tiens donc pour l’opinion selon laquelle le nom de Béniel, donné par le manuscrit LaraDansil à l’île puînée lors de son apparition, signifie : « La matérielle », — dans le sens de : « La matérialisée ». En effet, cette île/archipel n’existait pas en tant que réalité matérielle avant que Michael Fitzhubert ait, dans l’espace-temps où se trouve la planète Énantia,  « fendu temps », dédoublant l’île de Lara et projetant son avatar dans l’espace-temps énantiomorphe où se trouve la terre.

Il n’en reste pas moins que chacune des trois sources principales nous parlant de notre planète sœur, énantiomorphe par rapport à la nôtre, et de ses habitants, diverge de manière sensible lorsqu’il s’agit de décrire ce qui s’y passe, ce qu’ils sont ses habitants, et comment ceux-ci considèrent le monde et la destinée humaine.

Pour Hélène Smith, Espénié est une planète Mars vaguement « new age », et définitivement perçue à travers le filtre des croyances chères aux spirites du XIXème siècle terrestre. De son côté, Béniel (notre propre planète) est son faire valoir et son pendant contraire, adonné à une conception de l’existence bassement utilitaire et grossièrement matérialiste.

Pour S-21, Béniel représente d’une part l’enfer de Tuol Sleng et des Khmers rouges, l’incarnation du mal humain absolu, s’opposant ainsi à Espénié, l’archipel énantien où il vécut une dizaine d’année aux côtés de Yashoni nikaïné. Mais ses sentiments à l’égard de sa seconde patrie sont ambivalents : il ne put y demeurer, incapable qu’il était d’y trouver le bonheur, un bonheur insoutenable par sa félicité même, car trop éloignée de l’horreur par lui antérieurement vécue.

Selon le Codex espeniensis enfin, Béniel serait un terme désignant, sans connotation morale particulière, l’existence matérielle en général — l’homme total étant désigné comme misé bênié ébrinêzée, « une matière pensante ».

 

 

 


[1]. Il y a tout lieu de penser qu’il ne faut pas, en l’occurrence, prendre ce que dit le manuscrit LaraDansil au pied de la lettre : on ne voir pas comment Marion aurait pu se rendre physiquement sur Béniel avant l’échange des catastrophes. Sans doute faut-il voir dans les déclarations complémentaires des textes n° 30 et 32 une sorte de « prosopopée des îles », celle de Lara parlant par la bouche de Miranda, et celle de Béniel par la bouche (anticipée) de Marion Waybourne.

[2]. On peut toujours imaginer que le transfert de l’éruption a en quelque manière amoindri (ou interrompu ?) sa puissance destructrice, — mais il s’agit là d’une spéculation de ma part que rien dans le manuscrit ne vient ni étayer ni infirmer.

[3]. Je mets ici entre parenthèses le rôle que joua Jenaveve McCraw dans ce double processus, bien que « la mère qui n’est pas une mère » y ait certainement pris part de façon décisive ; il est difficile cependant de préciser la nature de cette participation. La seule chose que le manuscrit LaraDansil affirme explicitement est que Jenaveve McCraw mourut sur Lara  avant (ou en compagnie de) Miranda, tandis que seule Marion se rendit sur Béniel.

[4]. Cette ouverture fut peut-être effectuée à l’occasion de, et grâce à « l’échange des catastrophes ».

[5]. A l’exception bien entendu des aquarelles et portulans réalisés par Sara Fitzhubert-Waybourne, mais il est pratiquement certain que leur auteure eut longuement accès au contenu du manuscrit LaraDansil, dont à sa manière elle s’inspira.