Snoutobrex

 

 

 

Harald Langstrøm

 

 

 

Les Snoutobreξ sont des animaux originaires de l’île de Lara ; leur existence semble avoir été suffisamment importante pour qu’ils soient mentionnés par la manuscrit LaraDansil comme ayant formé la principale catégorie d’êtres vivants sauvés grâce au sacrifice de la « fille aînée » (Miranda Waybourne), et sans doute aussi de la « mère » (Jenaveve McCraw), la « fille puînée » (Marion Waybourne) ayant seule survécu à sa mission, qui était de conduire l’exode des être vivants de Lara en Béniel.

On trouve, dans la partie centrale du manuscrit (chapitres 5-7), sept représentations d’espèces différentes de Snoutobreξ.

— Au chapitre 5 : deux snoutobreξ, n° 29 et 33.

 

29

N° 29

 

33

N° 33

 

 – Au chapitre 6 : trois snoutobreξ, n° 38, 40 et 42.

 

38

N° 38

 

40

N° 40

 

42

N° 42

 

– Au chapitre 7, deux snoutobreξ, n° 47 et 51.

 

47

N° 47

 

51

N° 51

 

Ces animaux se tiennent la tête en bas (pour les n° 29, 38 et 42) ou ressemblent à des mulots sauteurs (pour les n° 33 et 51), ou bien encore simulent par leur tige (leurs queues ?) des formations florales (pour les n° 40 et 47).

Le manuscrit ne fournit malheureusement aucune précision quant à leur origine, leur physiologie ou leur éthologie. Voici le peu qu’il nous apprend à leur sujet :

 

Benial.
zie Dabe Datsawima res miritrize pit mis tav teri obzi hed fliblitie.
zie kemax zie zou messe nissande iex biee snoutaleix.
ze mis tie zakix sontive mise kabatutee ti mabutrei tatitene ni kubere,
aprove eban ize ti zou tou zou pouri.
zie mise teve zie kave iex maprine toue zi tuvecorpei.
te touze palir zie kemizix vineve ebana invine tie kavaterx kemax.
ze tatite pit irabiei res kavite kiviemisee taktaka tuba ni manikiet belpairee.
iex ize res bastie ni zi tromgai kandele toue nikliourei ti zi iessatisaime.

Benial.
Les Dabe Datsawima se mouvaient sans un bruit, comme s’ils glissaient.
Les mâles les plus grands allongèrent tous leurs nez.
L’un des animaux émit une sorte de grondement, rythmique et sourd, d’abord lent, puis de plus en plus rapide.
Les uns après les autres tous entrèrent dans la mélodie ;
pendant ce temps les femelles tournaient lentement autour des musiciens mâles.
Le rythme sans cesse s’altérait, alternant staccato solo et polyphonie tambourinante
Tous enfin se relevèrent et la troupe disparut dans l’obscurité de la forêt.

chapitre 6, n° 41

 

mizane li Hanging Rock, hed animine mis tranei
ka ladie ti Kaju tou Denial.
ane tes tranei ke touetanire
Dabe Datsawima ni iex zie Snoutobrex,
ane manks e tes tranei ke ones falvene zi essav ti iex.

Passant par Hanging Rock, il existe un chemin
qui mène de Kaju en Dénial.
C’est ce chemin qu’empruntèrent
Dabe Datsawima et tous les Snoutobrex,
c’est grâce à ce chemin que fut sauvée la vie de tous.

chapitre 7, n° 48

 

ze iodievine tie misaimex, kite ziver tie Snoutobrex.
mis mis vinia med ze iodievine kinete, Marion Zuri
tenekifre sadrie zie Dabe Datsawima,
brine zie amiche, ebrinie e be boua avete,
katev atrizi riz MirandaShukun,
ize egrevene bee koukx medinete
zi assilei dastree tie attana spikeve.

L’archipel des fleurs, second berceau des Snoutobrex.
Un nom pour l’archipel puîné, Marion Soir
écoute chanter les Dabe Datsavima,
Joint les mains, pense à sa sœur aînée,
non-être là-bas sur MirandaShukun,
puis étendant ses bras étreint
l’immensité paisible du monde étincelant.

DANSILSHUKUN vini
IODIEVINE ti MISAIME kit ZIVER ti snoutobre
VINIA med iodievine KINETE
ZURI marion
TENEKIFRESADRIE dabe datsawima
BRINE kitamiche EBRINIEE bouaavete
ATRIZI tubrerize KATEV mirandashukun
EGREVENE ize kitkouk MEDINETE dastre ASSILE ti attana SPIKEV

DANSILSHUKUN vini
ARCHIPEL des FLEURS second BERCEAU de snoutobre
NOM pour l’archipel PUÎNÉ
LE SOIR marion
ÉCOUTE CHANTER dabe datsawima
JOINT les mains PENSE À la sœur aînée
LÀ-BAS seule sur NON-ÊTRE mirandashukun
ÉTENDRE puis ses bras ÉTREINT paix IMMENSE du monde ÉTINCELLE

chapitre 11, n° 77 et 79

 

La seule description un tant soit peu développée d’une espèce de Snoutobreξ concerne donc celle des Dabe Datsawima, qui sont des animaux chanteurs. Rien ne permet cependant de mettre a priori cette description en rapport avec l’une plutôt que l’autre des sept représentations de Snoutobreξ contenues dans le manuscrit.

 

Heureusement, le mythe de Merriblinte, rêvé par Irma Waybourne[1] dans les années 1950, nous donne quelques précisions au sujet non seulement des Dabe Datsawima, mais aussi d’une autre espèce de Snoutobreξ, celle des Nasobèmes Honatatas, dont le manuscrit LaraDansil nous fournissait déjà une image (chapitre 5, n° 29).

 

« En tête de ces êtres fabuleux
marchaient les Nasobèmes Honatatas,
qui, bien campés sur leurs narines,
élevaient tendrement leurs petits,
et se nourrissant de baies et de fruits,
rendaient grâce aux bontés de la terre.

 

Honatatas

Corroboree des Honatatas à Merriwollert (Hanging Rock)

 

Mais parmi les êtres étranges
qui en ce temps réjouissaient
la vigueur juvénile du monde,
les plus étonnants et les plus merveilleux
furent les Dabe Datsawima,
qui, comme hier le faisaient les Wurundjeri[2]
comme aujourd’hui le font encore
les êtres humains qui rêvent,
chantant et dansant les corroboree[3]
évoquaient les esprits.

Les Dabe Datsawima cependant,
ne s’adressant pas à eux-mêmes la parole,
malgré la profondeur éblouissante de leurs chants
ne savaient pas faire venir à eux le monde du rêve,
ne savaient pas maintenir ouverts,
lorsqu’ils ne chantaient pas,
les passages qui, tel Merriwollert,
rapprochent les mondes, unissent les ères. »

Irma Waybourne, Merriblinte

 

Les Dabe Datsawima sont, dans un autre passage, qualifiés d’« animaux sans cervelle », sans doute parce que le don musical qui leur permettait d’ouvrir des portes entre les mondes n’avait rien de délibéré.

En fait, dans le mythe de Merriblinte, les Snoutobreξ sont censés avoir précédé l’homme au pied de Hanging Rock (appelé Merriwollert par les Aborigènes). Ils ont aujourd’hui disparu, mais pour eux aussi viendra, dans un lointain futur, le temps de l’éternel retour du semblable :

 

Et lors des corroboree
qui se tenaient au pied de Merriwollert,
les chants et les danses des femmes
permettaient que, dans le cercle du temps,
tout ce qui vient déjà fût advenu ;
permettaient que, dans le cercle du temps,
tout ce qui advint tôt ou tard revienne.

Ainsi les chants des Dabe Datsawima,
qui précédèrent les corroboree des Kulin[4]
qui précédèrent les voix atones
des vivants qu’on entend aujourd’hui,
à nouveau s’élèveront sous les rochers de Merriwollert,
résonnant jusqu’aux cimes ressurgies
de Merriblinte[5], le rocher des étoiles.

 

 

 


[1]. Irma Waybourne, troisième fille de Sara Fitzhubert et Franck Waybourne, disparut avec ses deux sœurs aînées le 14 février 1940 à Hanging Rock. Elle fut retrouvée trois jours plus tard dans le chaos rocheux par son cousin Michael Fitzhubert, vivante mais amnésique. Traumatisée par cette aventure, elle élabora dans les décennies qui suivirent une explication de ses aventures fortement influencée par un certain nombre de thèmes tirés de la mythologie aborigène.

[2]. Les Wurundjeri sont les aborigènes qui, jusqu’au milieu du XIX° siècle, vivaient dans la région de Hanging Rock.

[3]. Un corroboree est une fête au cours de laquelle les aborigènes chantaient et dansaient les légendes et les mythes de leur culture.

[4]. Le peuple aborigène auquel appartiennent les tribus Wurundjeri.

[5]. Merriblinte est, dans l’autre monde (le « temps du rêve » des Aborigènes australiens) une sorte de pendant originaire de Merriwollert/Hanging Rock.