CHAPITRE VI[1]
I. Automatismes verbaux martiens
[195] L’écriture martienne n’est apparue qu’au bout d’une incubation prolongée qui se trahit dans plusieurs incidents, et a certainement été stimulée par diverses suggestions extérieures, pendant au moins un an et demi. Voici les principales dates de ce développement.
16 février 1896. On surprend pour la première fois l’idée d’une écriture spéciale à la planète Mars dans l’étonnement d’Hélène, en demi-trance martienne, à la vue de M. R. prenant des notes pour le procès verbal (voir p. 147). Cet étonnement paraît se rapporter au crayon et à la façon de le tenir plutôt qu’aux caractères tracés.
2 novembre. L’écriture est nettement prédite dans la phrase « Astané m’apprendra à écrire », échappée à Hélène en trance martienne après la scène de la traduction par Esenale (voir p. 158).
[196] 8 novembre. Après la traduction du texte 3, Léopold questionné répond par la main gauche qu’Astané fera écrire ce texte à Mlle Smith, mais la prédiction ne se réalise pas.
23 mai 1897. L’annonce de l’écriture martienne devient plus précise : « Bientôt, dit Astané à Hélène, tu pourras tracer notre écriture et tu posséderas dans tes mains les marques de notre langage » (texte 12).
18 juin. Dans une visite que je fais à Hélène, nous parlons du martien et, à ma demande, elle prend un crayon pour voir s’il en viendrait automatiquement quelques signes. Elle trouve que le crayon a une tendance à se placer de lui-même [par les mouvements inconscients de ses doigts] sur le dos de son index, comme s’il voulait s’y fixer ; puis elle croit voir un anneau entourant le bout de son doigt et terminé par une courte pointe. Elle n’écrit rien, mais lâche bientôt le crayon et le repousse loin d’elle avec de petites chiquenaudes, puis elle entre peu à peu dans une vision martienne où elle entend le texte 14.
20 juin. Au début d’une séance, vision martienne à demi éveillée, où elle réclame à un interlocuteur imaginaire « un anneau large qui avance en pointe avec quoi on écrit ». Cette description rappelle à M. R. qu’il a chez lui de petits porte-plumes de ce genre, ajustables au bout de l’index.
23 juin. Je remets à Hélène les deux petits porte-plumes que M. R. a bien voulu m’envoyer pour elle, mais il n’ont pas l’heur de lui plaire : elle les trouve « trop lourds, mastocs, gros comme de vrais tuyaux de cheminée, etc. » Elle consent pourtant à en enfiler un au bout de l’index, mais, après une vaine attente, elle l’ôte et prend un crayon, disant que, s’il doit s’écrire du martien, cela se fera aussi bien par ce moyen ordinaire qu’avec ces baroques porte-plumes. Au bout d’un moment, elle s’endort, et sa main commence à tracer automatiquement un message de l’écriture de Léopold. Je demande alors à celui-ci si les porte-plumes de M. R. ne répondent pas encore aux exigences du martien et si Mlle Smith écrira une fois cette langue comme cela a été déjà tant de fois annoncé. La main d’Hélène répond aussitôt, de la plus belle calligraphie de Léopold :
Je n’ai pas encore vu l’instrument dont se servent les habitants de la planète Mars pour écrire leur langue, mais, ce que je puis t’affirmer, c’est que la chose arrivera telle qu’elle t’a été annoncée. – Léopold.
Peu après, elle se réveille amnésique.
27 juin. Dans la scène de traduction du texte 15, Hélène ajoute à son refrain habituel : « il est parti, Esenale, bientôt il reviendra, bientôt il écrira ». Par l’index, Léopold nous apprend qu’on aura sous peu de l’écriture martienne, mais pas encore ce soir.
[197] 3 août. Entre 4 heures et 5 heures de l’après-midi, Hélène a eu à son bureau pendant dix à quinze minutes la vision d’une large barre horizontale, couleur feu, puis rouge brique, qui a passé peu à peu à une teinte rose sur laquelle se sont détachés une foule de caractères étrangers, qu’elle suppose être des lettres martiennes à cause de la couleur du fond. Ces caractères flottaient dans l’espace devant elle et tout autour. Des visions analogues se répètent au cours des semaines suivantes.
22 août 1897. Je résume, d’après le procès-verbal très détaillé de M. Lemaître, la scène (à laquelle je n’assistais pas) où Hélène a, pour la première fois, écrit du martien copié sur une hallucination verbo-visuelle :
Après diverses visions non martiennes, Mlle Smith se tourne du côté de la fenêtre (il pleut à verse et fait tout gris), en s’écriant :
Oh ! regardez, c’est tout rouge ! Est-ce déjà l’heure de se coucher ? Monsieur Lemaître, êtes-vous là ? Est-ce que vous voyez comme c’est rouge ? Je vois Astané qui est là, dans ce rouge, je ne vois que sa tête et le bout de ses doigts ; il n’a point de robe. Et puis voici l’autre [Esenale] avec lui. Ils ont tous les deux au bout des doigts des lettres sur un bout de papier. Vite, donnez-moi du papier !
On lui remet une feuille blanche et le porte-plume à anneau, qu’elle jette dédaigneusement. Elle accepte un crayon ordinaire, qu’elle prend à sa façon habituelle entre le médius et l’index, puis écrit de gauche à droite les trois premières lignes de la fig. 21 en regardant attentivement son modèle fictif vers la fenêtre avant chaque lettre, et en y joignant des indications orales d’après lesquelles ce sont des mots qu’elle voit écrits, en caractères noirs, sur les trois papiers ou plus exactement sur trois bâtons blancs, sortes de cylindres courts et un peu aplatis que tiennent à la main droite Astané, Esenale, et un troisième personnage dont elle ignore le nom, mais dont la description correspond à Pouzé. Après quoi, elle voit encore un autre papier ou cylindre qu’Astané tient au-dessus de sa tête, et qui porte aussi des mots qu’elle se met à copier (les trois dernières lignes de la fig. 21, p. 198).
Fig. 21. Texte n° 16, séance du 22 août 1897. Premier texte martien écrit par Mlle Smith (d’après une hallucination visuelle). [Collection de M. Lemaître.]
« Oh ! c’est dommage, dit-elle en arrivant au bout de la quatrième ligne, c’est tout sur une ligne et je n’ai plus de place ! » Elle écrit alors, au-dessous, les trois lettres de la ligne 5 et ajoute sans rien dire la ligne 6. Puis elle reprend : « Comme il fait sombre chez vous ! Le soleil est tout à fait couché (il continue à pleuvoir à verse). Plus personne ! Plus rien ! » Elle reste en contemplation devant ce qu’elle vient d’écrire, puis revoit Astané tout près de la table, qui lui montre de nouveau un papier, le même, croit-elle, que tout à l’heure. « Mais, non, ce n’est pas tout à fait la même chose, il y a une faute, c’est là (elle montre la quatrième ligne, vers [199] la fin)… Ah ! je ne vois plus ! Puis bientôt elle ajoute : « Il me montrait autre chose, il y avait une faute, mais je n’ai pas pu voir. C’est très difficile. Pendant que j’écrivais, ce n’était pas moi, je ne sentais pas mon bras. C’est un peu ce que j’avais vu au magasin [le 3 août et jours suivants], comme des points d’interrogation. C’était difficile, parce que quand je relevais la tête je ne voyais plus bien les lettres. C’était un dessin comme une grecque. J’en avais la tête toute raide, toute prise. » — À ce moment donc, Hélène se rappelait l’état d’obnubilation dont elle sortait à peine, qui avait accompagné la vision martienne et la copie automatique du texte verbo-visuel. Mais, un peu plus tard, dans la soirée, l’amnésie avait presque tout absorbé : elle ne se souvenait plus que vaguement d’avoir vu des lettres étranges et ignorait complètement avoir écrit quelque chose. Il est probable que la correction proposée par Astané vers la fin de la quatrième ligne, et qu’elle n’a pu saisir, consistait à supprimer l’n de Simandini ; on verra, en effet, dans le cycle hindou, qu’il y a eu des données contradictoires sur l’orthographe de ce nom.
La supposition très naturelle que les trois premiers mots écrits étaient les noms des personnages connus (Astané, Esenale, Pouzé), qui les portaient sur leurs bâtons, a fait découvrir la valeur de beaucoup de caractères martiens et permis de deviner les trois derniers mots. L’alphabet nouveau s’enrichit de quelques autres signes les jours suivants, grâce aux échos que cette séance eut dans la vie ordinaire d’Hélène, à qui il arriva à plusieurs reprises d’écrire non pas encore du vrai martien, mais du français en lettres martiennes, à sa grande stupéfaction lorsqu’elle se trouvait après coup devant ces hiéroglyphes inconnus (car elle se perd de vue, ainsi que je l’ai déjà dit, à l’instant même où elle les trace). La première manifestation de cet automatisme graphique, ne concernant encore que la forme des lettres et non le vocabulaire, date du lendemain même de la susdite séance :
23 août : Voici, m’écrivit Hélène à midi en m’envoyant des bordereaux auxquels j’ai emprunté les trois exemples de la fig. 22, voici quelques étiquettes que je m’étais mise en devoir de faire ce matin, à dix heures, et que je n’ai pu arriver à terminer d’une manière convenable. C’est seulement maintenant que je suis dégagée du [200] brouillard rose qui n’a cessé de m’envelopper pendant près de deux heures…
française lumière prairie
Fig. 22. — Exemple de mots français isolés, tracés automatiquement en caractères martiens par Mlle Smith dans ses écritures normales.
Trois semaines plus tard se produisit enfin l’écriture automatique martienne complète, dans une séance chez moi, dont voici le résumé.
12 septembre 1897. À la fin d’une assez longue vision martienne, Mlle Smith voit Astané, qui a quelque chose au bout du doigt et qui lui fait signe d’écrire. Je lui présente un crayon et, après diverses tergiversations, elle se met à tracer très lentement des caractères martiens (fig. 23).
C’est Astané qui se sert de son bras, et elle est pendant ce temps totalement anesthésique et absente. Léopold, en revanche, est là et donne divers signes de sa présence ; par exemple, comme l’un des assistants, en la voyant former ces lettres bizarres, parle de les comparer avec les divers alphabets orientaux pour voir s’ils en proviennent, Léopold dicte par un doigt : Vos recherches seront bien inutiles. À la fin de la sixième ligne, elle paraît se réveiller à demi et murmure : « je n’ai pas peur, non je n’ai pas peur ! » puis elle retombe dans son rêve pour écrire les quatre derniers mots (qui signifient : « Alors ne crains pas », et sont la réponse d’Astané à son exclamation). Presque aussitôt, Léopold se substitue à Astané et trace sur la même feuille, de son écriture caractéristique [201] quoique assez déformée vers la fin : Mets ta main sur son front[2], par où il m’indique que c’est le moment de passer à la scène de traduction par Esenale.
Fig 23. Texte martien n° 17, séance du 12 septembre 1897. — Écrit par Mlle Smith incarnant Astané (puis Léopold pour les mots français de la fin). L’s de trop, à la fin de la première ligne, a aussitôt provoqué le gribouillage destiné à la raturer.
On peut conclure de ces étapes successives que l’écriture martienne est le résultat d’une lente autosuggestion où l’idée d’un instrument scripteur spécial et de son maniement a joué longtemps un rôle dominant, puis a été abandonnée, sans doute comme peu pratique à réaliser. Les caractères eux-mêmes ont d’abord hanté pendant plusieurs semaines l’imagination visuelle d’Hélène avant de lui apparaître sur les cylindres des trois Martiens d’une façon assez nette et stable pour être copiés, et de pouvoir ensuite envahir son mécanisme graphomoteur. Une fois manifestés au-dehors, ces signes, que j’ai rassemblés sous forme d’alphabet dans la fig. 24, n’ont pas varié depuis deux ans. Cependant, quelques petites confusions dont je parlerai plus loin montrent bien que la personnalité qui les emploie n’est pas absolument séparée de celle d’Hélène, quoique cette dernière à l’état de veille soit encore devant le martien écrit comme devant du chinois : elle le reconnaît à son aspect général, fort caractéristique en effet, mais ignore la valeur des caractères et serait incapable de le lire.
Fig. 24. — Alphabet martien, résumant l’ensemble des signes obtenus. (N’a jamais été donné comme tel par Mlle Smith.)
[202] L’écriture martienne d’Hélène n’est pas stéréotypée, mais elle présente suivant les circonstances quelques variations dans la forme et surtout la grandeur absolue des lettres. On peut le constater dans les fig. 21 à 32, où j’ai reproduit la plupart des textes obtenus par écrit. Quant le martien jaillit en hallucination verbo-visuelle, Hélène le transcrit en traits de grandes dimensions, mal assurés, chargés de reprises et de bavures (fig. 21, 26, 31), et elle remarque toujours que l’original qu’elle a devant les yeux est beaucoup moins gros et plus net que sa copie. Dans les textes venus automatiquement par sa main, c’est-à-dire censément tracés par les Martiens eux-mêmes, l’écriture est en effet plus petite et plus précise. Pourtant ici encore on observe de curieuses différences : Astané a une calligraphie moins volumineuse qu’Esenale, et Ramié est celui qui a l’écriture de beaucoup la plus fine (fig. 28 et 29). La forme des lettres, par exemple du t, n’est pas non plus tout à fait la même chez ces diverses personnalités. Il serait toutefois prématuré de se lancer déjà dans des études de graphologie martienne et, abandonnant ce soin à mes successeurs, j’en viens à la collection par ordre chronologique des textes recueillis.
II. Les textes martiens
Il n’est pas toujours aisé de représenter une langue et sa prononciation au moyen des caractères typographiques d’une autre. Par bonheur, le martien, en dépit de ses apparences étranges et des cinquante millions de lieues qui nous séparent bon an mal an de la rouge planète, est au fond si proche voisin du français que cette entreprise n’offre guère de difficulté dans son cas.
Pour les textes, au nombre de douze[3], que nous possédons par écrit, soit que Mlle Smith les ait copiés d’après une hallucination verbo-visuelle, soit que sa main les ait immédiatement tracés dans un accès d’automatisme graphomoteur, la transcription française s’impose d’elle-même, chaque lettre martienne ayant son équivalent exact dans notre alphabet[4]. Je me suis borné à mettre des accents sur les voyelles (elles n’en ont pas dans l’écriture martienne) conformément à la prononciation d’Esenale au moment de la traduction. Il n’y a donc qu’à lire à haute voix les textes suivants en les articulant comme si c’était du français pour avoir à peu près les paroles martiennes sorties de la bouche de Mll Smith ; je dis à peu près, parce qu’il reste, cela va sans dire, dans le parler d’Esenale comme dans celui de tout le monde, des façons particulières d’appuyer sur certaines syllabes et de glisser sur d’autres, une légère scansion des mots en brèves et en longues, bref de délicates nuances d’accentuation, que l’on ne peut représenter adéquatement et dont les auditeurs n’ont pas même essayé de prendre note aux séances.
Dans les textes auditifs ou vocaux qui n’ont pas été obtenus par écrit, j’ai adopté l’orthographe la plus probable d’après la prononciation d’Esenale, mais (à l’exception des mots connus d’autre part grâce aux textes écrits) je n’en puis naturellement garantir l’exactitude absolue. La façon dont Hélène recueille au crayon les phrases martiennes qui frappent son ouïe ne nous est pas d’un grand secours à cet égard, parce que, ainsi que je l’ai dit plus haut (p. 178), elle se trouve à l’endroit de ces hallucinations verbo-auditives dans la situation d’une personne qui entend des paroles inconnues, et les orthographie tant bien que mal, d’une manière assez arbitraire et souvent fautive. Elle écrit, par exemple, hézi darri né ciké taisse ce qui, d’après la prononciation d’Esenale et d’autres textes graphiques, doit être corrigé en êzi darié sikè tès ; ou encore misse messe as si lè au lieu de mis mess assilé. On ne peut [204] donc faire fond sur l’orthographe d’Hélène, mais je l’ai naturellement suivie partout où il n’y avait aucune raison meilleure de s’en écarter.
En disant que les textes suivants doivent être articulés à la française, il convient d’ajouter deux remarques. D’abord, la consonne finale, d’ailleurs très rare en martien, s’y fait toujours entendre ; le mot ten se prononce comme dans le français gluten ; essat comme fat ; amès comme aloès ; mis et mess comme lis (fleur) et mess (d’officiers), etc. En second lieu, pour les diverses valeurs de l’e, j’ai adopté la règle suivante : l’e ouvert est partout indiqué par un accent grave è ; l’e demi-ouvert, qui ne se présente qu’au commencement et dans l’intérieur des mots, est marqué par l’accent aigu é ; l’e fermé, par l’accent aigu à la fin des mots (ou avant un e muet final), et par un circonflexe au commencement ou dans l’intérieur ; l’e muet ou demi-muet reste sans accent. On prononcera donc, par exemple, les e des mots martiens mété, bénézée, comme ceux des mots français été, répétée ; êvé comme rêvé, tès comme dans Lutèce ; etc.
PRÉFACE (pp. v-xviii)
« L’application de la méthode pathologique à la psychologie, écrit M.Th. Ribot[5], n’a pas besoin d’être légitimée ; elle a fait ses preuves. Les résultats acquis sont trop nombreux et trop connus pour qu’il y ait besoin de les énumérer. Cette méthode, en effet, a deux principaux avantages : 1° elle est un instrument de grossissement ; elle amplifie le phénomène normal ; l’hallucination fait mieux comprendre l’image, et la suggestion hypnotique éclaire la suggestion qui se rencontre dans la vie ordinaire ; 2° elle est un instrument précieux d’analyse… »
C’est sous le couvert de cette imposante autorité que je me permets de placer les pages qu’on va lire. Étant admis d’après ces prémisses que le langage créé par une glossolale doit reproduire et nous permettre de saisir avec la netteté qui résulte de l’observation directe les procédés inconscients et subconscients du langage normal, quel était le meilleur moyen de tirer parti des documents linguistiques consignés dans le curieux ouvrage de M. Flournoy ?
J’aurais pu, évidemment, ne donner aucune place à l’hypothèse, écarter d’emblée tous les mots d’étymologie obscure ou douteuse, me taire partout où je n’avais pas le droit d’affirmer, me borner, en un mot, à mettre en relief les rapprochements frappants et sûrs entre le martien et telle ou telle autre langue réellement existante. Mais, outre qu’alors mon étude eût été presque inutile, puisqu’elle n’aurait rien contenu que tout lecteur de M. Flournoy n’eût pu remarquer de lui-même avec un peu d’attention, elle aurait mérité par ailleurs le reproche d’insincérité ; incomplète tout au moins, elle n’eût pas été concluante. Une langue, quelle qu’elle soit, est un ensemble : on ne l’explique pas en en détachant quelques mots faciles et jetant tous les autres aux gémonies ; il faut, surtout en matière aussi délicate et inexplorée, que la donnée certaine et la conjecture s’entrelacent, s’étaient et se contrôlent perpétuellement l’une l’autre, et je dirais volontiers que la première est sans valeur si la seconde ne lui sert de correctif et de repoussoir. De même donc que M. Flournoy nous a donné intégralement, sans choix, les quarante phrases martiennes qu’il a recueillies de la bouche de Mlle Smith, de même et comme lui, je me suis cru autorisé, — je dis plus, — obligé, du moment que je tentais l’entreprise, à passer au crible, sans exception ni réserve, les 300 mots dont ces phrases m’avaient permis de dresser le répertoire.
J’y ai été encouragé surtout par l’accueil qu’il a fait à mes premiers essais d’interprétation, quand je les lui ai communiqués à titre privé ; car je ne m’aventurais pas sans hésitation sur un terrain si nouveau pour moi et pour tout le monde. Je ne saurais assez dire la franche cordialité, la confraternelle estime et la bonne grâce que m’a témoignées dès l’abord l’éminent psychologue, soit qu’il me donnât à entendre que telle de mes analyses linguistiques confirmait une de ses thèses favorites sur la pensée et le rêve, soit qu’il me fournit, libéralement et sans compter, les informations de fait sur le cas de Mlle Smith. Quelques-unes de celles-ci ont trouvé place dans des notes complémentaires à la fin du volume. Quant aux conclusions qu’il a pu éventuellement tirer de mes inductions ou certaines ou hypothétiques, je lui laisserai le soin de les formuler, et ainsi chacun de nous demeurera dans son rôle.
Ce ne sont pas là les seules obligations que j’ai à M. Flournoy. Il a bien voulu, pour la commodité de mes lecteurs, m’autoriser à reproduire en tête de mon livre les 40 phrases martiennes consignées dans le sien, pp. 204-223. Les voici, dans leur ordre chronologique, avec la traduction donnée par le sujet, et les indications accessoires qui permettront d’en apprécier la valeur respective.
- Métiche C. Médache C. Métaganiche S. Kin’tche.
Monsieur C. Madame C. Mademoiselle S. Quatre.
(Vocal, 2 février 1896.)
- Dodé né ci haudan té mess métiche Astané ké démé véche.
Ceci est la maison du grand homme Astané que tu as vu.
(Auditif, vers le 20 septembre 1896, traduit le 2 novembre.)
- Modé iné, cé di cévouitche ni êvé ché kiné Liné.
Mère adorée, je te reconnais et suis ton petit Linet.
(Vocal, 8 novembre 1896, traduit même jour.)
- I modé, mété modé, modé iné, palette is chépétiché, ché chiré né ci ten ti vi.
Ô mère, tendre mère, mère bien-aimée, calme tout ton souci, ton fils est près de toi.
(Vocal, 29 novembre 1896, traduit même jour.)
- I kiché ten ti si ké di êvé dé étéche,mêné izé bénézée ?
Oh ! pourquoi près de moi ne te tiens-tu toujours, amie enfin retrouvée ?
(Auditif, 4 décembre 1896, traduit 13 décembre.)
- Ti iche cêné Éspênié ni ti êzi atèv Astané, êzi érié vizé é vi… I, etc.
De notre belle « Espênié » et de mon être As tané, mon âme descend à toi… Oh ! etc.
(le reste comme en 5.)
(Auditif, 13 décembre 1896, traduit même séance.)
- Cé êvé plêva ti di bénéz éssat riz tês midéedurée ; cé ténassé viz iche Éspênié vétéche ié ché atêv hêné ni pové ten ti si ; éni zée métiché oné gudé ni zée darié grêvé.
Je suis chagrin de te retrouver vivant sur cette laide terre ; je voudrais sur notre « Espênié » voir tout ton être s’élever et rester près de moi ; ici les hommes sont bons et les cœurs larges.
(Auditif, 15 décembre 1896, traduit 17 janvier 1897.)
- Amès mis tensée ladé si, amès ten tivé avémen, koumé ié ché pélésse ; amès somé têsé misaïmé, ké dé surès pit chàmi, izà méta ii borêsé ti finaïmé… Izà ii, dé séïmiré !
Viens un instant vers moi, viens près d’un vieil ami, foudre tout ton chagrin ; viens admirer ces fleurs, que tu crois sans parfum, mais pourtant si pleines de senteurs… Mais si, tu comprendras !
(Auditif et vocal, 31 janvier 1897, traduit même jour.)
- Ané éni ké éréduté cé ilassuné té imà nibétiné chée durée.
C’est ici que solitaire je m’approche du ciel et regarde la terre.
(Auditif, 24 février 1897, trad. 14 mars.)
- Simandini, lé làmi, mêné ! Kizé pavi ! kizatimi !
Simandini, me voici, amie ! Quelle joie ! quel bonheur !
(Auditif, 14 mars 1897, traduit même jour.)
- I modé, duméïné modé, kêvi cé mache povinipoénêzé mùné é vi, saliné éziné mimà Nikaïné modé. — I men !
Ô mère, ancienne mère, quand je peux arriver quelques instants vers toi, j’oublie mes parents Nikaïné, mère. — Ô ami !
(Vocal, 14 mars 1897, trad. m.j.)
- Lassuné, ké nipuné ani ; tiz dé machir mirivéiche manir, sé dé évenir toué chi amiché zé forimé ti viche tarviné.
Approche, ne crains pas ; bientôt tu pourras tracer notre écriture, et tu posséderas dans tes mains les marques de notre langage.
(Auditif, 23 mai 1897, trad. m.j.)
- Adèl, ané sini yestad… I Astané, cé fimès !Astané, mirà !
C’est vous Ô Astané, je meurs ! Astané, adieu !
(Vocal, même jour que 12.)
- Eupié, zé pâlir né amé : arvà nini pédriné ;évaï diviné làmée ine vinà té luné. — Pouzé, men hantiné, êzi vraïni né touzé med vi ni ché chiré Saïne. Ké zalizé téassé mianiné ni di daziné ! — Eupiré ! — Pouzé !
Eupié, le temps est venu : Arvâ (?) nous quitte : sois heureux jusque au retour du jour. — Pouzé, ami fidèle, mon désir est même pour toi et ton fils Saïné. Que l’élément entier t’enveloppe et te garde ! — Eupié ! — Pouzé !
(Auditif, 18 juin 1897, traduit 20 juin.)
- Modé tatinée, cé ké mache radziré zé tarviniva nini nini triménêni ii adzi. Cé zé séïmiré vétiche. I modé inée, kévi bérimir-m- hed ? kévi machiri cé di triné ti éstotiné ni bazée animina ? I modé, cé méï adzi ilinée, i modé inée, cé ké lé nazère ani ! Mirà, modé itatinée, mirà, mirà, mirà !
Mère chérie, je ne puis prononcer le langage où nous nous comprenions si bien. Je le comprends cependant. Ô mère adorée, quand reviendra-t-il ? quand pourrai-je te parler de ma dernière et courte existence ? Ô mère, je t’ai bien reconnue, ô mère adorée, je ne me trompe pas ! Adieu, mère chérie, adieu, adieu, adieu !
(Auditif, 27 juin 1897, trad. même jour.)
- Astané. Ésenàle. Pouzé. Mêné Simandini, mirà.
(Visuel et graphique, 21 août 1897 : mêné « amie », mirà « adieu », et quatre noms propres.)
- Taniré mis méch med mirivé éziné brimaξ titès tensée. Azini dé améir mazi si somé iche hazina tranéi. — Simandini, cé kié mache di pédriné tès luné. Ké cé êvé diviné ! — Patrinéz kié nipuné áni.
Prends un crayon pour tracer mes paroles de cet instant. Alors tu viendras avec moi admirer notre nouveau passage. — Simandini, je ne puis te quitter ce jour. Que je suis heureux ! — Alors ne crains pas.
FIG. 23. Écrit par Mlle Smith incarnant Astané (puis Léopold pour les mots français de la fin). L’s de trop, à la fin de la première ligne, a aussitôt provoqué le gribouillage destiné à la raturer.
(Graphique, 12 septembre 1897, trad. m.j.)
- Modé tatinée, làmi mis mirà ti ché bigà kàébrinié sanà é vi. Idé di zé rénir, — zé mess métiche kà é zé valini iminé ni z(é) grani sidiné.
Mère chérie, voici un adieu de ton enfant qui pense tant à toi. On te le portera, — le grand homme qui a le visage mince et le corps maigre.
(Auditif, puis graphique, 10 octobre 1897, trad. même jour.)
- M(êné), cé kié mache di triné sandiné téri néêzi vraïni ; zou réch ; mirâ milé piri mirâ !
Amie, je ne puis te parler longtemps comme est mon désir ; plus tard ; adieu adieu !
(Graphique, puis auditif, 24 octobre 1897, deux mots non traduits.)
- Siké, évaï diviné ! Zé niké crizi capri néamé orié antéch é êzé carimi ni êzi érié é nié pavinée ; hed lé sadri ; dé zé véchir tiziné. — Matêmi, misaïmé kà lé umêz éssaté, arvâ ti éziné adâniξ, amés tès uri, amès sandiné ten ti si ; évaï divinée ! Romé, va né Siké ? —Atrizi, ten té taméch épizi.
Siké, sois heureux ! Le petit oiseau noir est venu frapper hier à ma fenêtre et mon âme a été joyeuse ; il me chanta ; tu le verras demain. — Matêmi, fleur qui me fais vivre, soleil de mes songes, viens ce soir, viens longtemps près de moi ; sois heureuse ! — Rome, où est Siké ? — Là-bas, près du « taméche » rosé.
(Auditif, puis graphique, 28 novembre 1897, trad. m.j.)
- Véchési têsée polluni, avé métiche ; é vi tibounié, séïmiré ni triné.
Voyons cette question, vieux homme ; à toi de chercher, comprendre et parler.
(Auditif, 15 janvier 1898, trad. 13 févier.)
- Astané, cé amês é vi ; chée brimi messé tériché pocrimé lé…
Astané, je viens à toi ; ta sagesse grande comme ton savoir me…
(Auditif, vers le 25 janvier 1898, trad. 13 février.)
- Paniné, évaï kirimé : zé miza ami grini ; kéchée émêche rès pazé ! — Pouzé, tès luné soumini, arvà ii cen, zé primi ti ché chiré, kiz pavi luné ! — Saîné, êzi chiré, izé linéï ! kizé pavi ! — Êzi mané ni êzi modé… Tiziné, êzi chiré. — Êzi mané, cé êvé adi anâ.
Paniné, sois prudent : le « miza » va soulever ; que ta main se retire ! — Pouzé, ce jour riant, Arva( ?) si beau, le revoir de ton fils, quel heureux jour ! — Saïné, mon fils, enfin debout ! quelle joie ! — Mon père et ma mère… — Demain, mon fils. — Mon père, je suis bien maintenant.
(Auditif, 29 février 1898, trad. même jour.)
- Saïné êzi chiré, iée êzé pavi, ché vinà ineruzzi ti nini né mis mess, assilê atimi… itéche furimir… nori.
Saïné mon fils, toute ma joie, ton retour au milieu de nous est un grand, immense bonheur… toujours aimera… jamais.
(Auditif, 11 mars 1898, trad. 21 août.)
- Dé véchi ké ti éfi mervé éni.
Tu vois que de choses superbes ici.
(Auditif, 21 août 1898, trad. même jour.)
- Astané né zé ten ti vi.
Astané est là près de toi.
(Visuel, 21 août 1898, tr. même jour)
- Siké, kiz crizi hantiné ! hed é ébrinié rès amêréé nini, éssaté ti iche atimi. — Matêmi hantiné, hed né hantiné, êzi darié. — Siké, tès ousti ké zé badêni lassuné mazi trimazi, hed é ti zi mazêté é povinée é nini ; zé priàni é fouminé ivraïni ; idé é ti zi mazêté é vizêné zé chodé.
Siké, quel oiseau fidèle ! il a pensé se réunir à nous, vivre de notre bonheur. — Matêmi fidèle, il est fidèle, mon cœur. — Siké, ce bateau que le vent approche avec force, il a de la peine à arriver à nous ; le flot est puissant aujourd’hui ; on a de la peine à distinguer le « chodé ».
(Auditif, vers le 4 septembre 1898, traduit 16 octobre.)
- Men mess Astané, cé amès é vi itêch litès alizé néümi, assilé, kà ianiné êzi atèv ni lé tazié é vi med ieéξ éziné rabriξ, ni tïbraξ. Men, amès di ouradé ké Matêmi uzénir chée kida, ni ké chée brizi pi dézanir. Évaï diviné tès luné.
Ami grand Astané, je viens à toi toujours par cet élément mystérieux, immense, qui enveloppe mon être et me lance à toi pour toutes mes pensées et besoins. Ami, viens te souvenir que Matêmi attendra ta faveur, et que ta sagesse lui répondra. Sois heureux ce jour.
(Visuel, 3 octobre 1898, traduit 16 octobre.)
- Saziné, kiché nipunêzé ? Dodé né pit lézirébèz neura. Evaï dastrée : firêzi zé bodri né dorimé, zé pastri tubré né tuzé.
Saziné, pourquoi craindre. Ceci est sans souffrance ni danger. Sois paisible : certainement le os est sain, le sang seul est malade.
(Auditif, 14 octobre 1898, traduit 16 octobre.)
- Modé, ké hed oné chandêné, têsé mùné tenti vi ! — Bigâ, va bindié idé ti zàmé tensée ? zou réche méd ché atèv kiz fouminé zati !
Mère, que ils sont délicieux, ces moments près de toi ! — Enfant, où trouve on de meilleurs instants ? plus tard pour ton être quel puissant souvenir !
(Auditif, 22 octobre 1898, traduit 18 décembre.)
- Ràmié, bisti ti Éspênié, ché dimé ùnizi trimazi tié vadâzaξ, di anizié bana mirâξ. Ramié di trinir tié toumaξ, ti bé animinà ni tiche di uzir nâmi ti Éspênié. Évaï divinée.
Ramié, habitant de « Éspênié », ton semblable par la force des « vadâzas », te envoie trois adieux. Ramié te parlera des charmes de sa existence et bientôt te dira beaucoup de « Éspênié ». Sois heureuse.
(Graphique, 27 octobre 1898, trad. 18 décembre.)
- Anà évaï maniké é bétiné mistié attanâ kâ di médinié. Bétinié tès tapié ni bée atèv kavivé. Danda anâ.
Maintenant sois attentive à regarder un des mondes qui te entourent. Regarde ce « tapié » et ses êtres étranges. Silence maintenant.
(Auditif, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.)
- Sirima nêbé viniâ-ti-mis-métiche ivré toué viniâ-ti-misé-bigâ azâni maprinié imizi kramâ ziné viniâ-ti-mis-zaki datrinié tuzé vâmé gâmié.
Rameau vert nom-de-un-homme sacré dans nom–de-une-enfant mal entré sous panier bleu nom-de-un-animal caché malade triste pleure.
(Phrase entendue d’abord en ultramartien,
puis traduite en martien le 18 décembre 1898[6].)
- Ramié di pédrinié anâ, né écriné, divinété mùné ten ti vi. Hed dassinié mis abadà ti ché atèv ni di parêzié banà mirâξ. Évaï divinée.
Ramié te quitte maintenant, est satisfait, heureux du moment près de toi. Il garde un peu de ton être et te laisse trois adieux. Sois heureuse.
(Graphique, 2 novembre 1898, trad. 18 décembre.)
- Attanà zabiné, pi ten té iche ; tarvinimabùré, nubé téri zée atèv. Astané, êzi dabé fouminé ni ié ti takà, tubré né bibé ti zé umêzé.
Monde arriéré, très près du nôtre ; langage grossier, curieux comme les êtres. Astané, mon maître puissant et tout de pouvoir, seul est capable de le faire.
(Auditif, 5 décembre 1898, trad. 18 décembre.)
- Aé aé aé aé lassunié, làmi Rêzé. Aé aéaé aé niké Bulié. Va né Ozàmié ? Zitêni. Primêni. Ozâmié viniâ ti mis bigâ kémà. Zitêni viniâ ti misé bigâ kêmisi. Primêni viniâ ti misé bigâ kêmisi.
Aé aé aé aé (Exclamations) approche, voici Rêzé. Aé aé aé aé (Exclamations) petit Bulié. Où est Ozâmié ? Zitêni. Primêni. Ozâmié nom de un enfant mâle. Zitêni nom de une enfant femelle. Primêni nom de une enfant femelle.
(Auditif, 8 mars 1899, traduit 4 juin.)
- Astané bounié zé buzi ti di triné nâmi niti di umêzé séïmiré bi tarvini.
Astané cherche le moyen de te parler beaucoup et de te faire comprendre son langage.
(Graphique, 24 mars 1899, traduit 4 juin.)
- Fêdié, amès ; Ramié di uzénir tès luné : amès, zé bona trinir.
Fêdié, viens ; Ramié te attendra ce jour : viens, le frère parlera.
(Copié par Mlle Smith, à partir d’une hallucination visuelle, 30 mars 1899, traduit 4 juin.)
- Ramié, pondé acàmi, andélir téri antéchiri é vi anà. Riz vi banà miraξ ti Ramié ni Astané. Évaï divinée.
Ramié, savant astronome, apparaîtra comme hier souvent à toi maintenant. Sur toi trois adieux de Ramié et Astané. Sois heureuse.
(Graphique, 1er avril 1899, trad. 4 juin.)
- Ramié, ébanà, dizênà, zivênié, ni bivraïni assilé né ten ti rès kalàmé. Astané, êzi dabé, né zi med lé godané ni ankôné. Evaï banâ zizazi divinée.
Ramié, lentement, profondément, étudie, et son désir immense est près de se accomplir. Astané, mon maître, est là pour me aider et réjouir. Sois trois fois heureuse.
(Auditif, 4 juin 1899, trad. même jour)[7].
- (Mots isolés.) —
chèke, papier
chinit, bague
asnète, « espèce de paravent »
Anini Nikainé, nom propre d’une petite fille, probablement la sœur martienne d’Esenale
Béniel, nom propre de notre Terre vue de Mars (laquelle s’appelle, d’autre part, Durée dans les textes 7 et 9).
- Viniâ-ti-mis-métiché napié viniâ-ti-mis-crizi-ruka-té-atimi ziné. Naké yin noka. Viniâ-ti-missé-médaché tiziné yin baza kobié. Viniâ-ti-missé-varuba-métiché té viniâ-ti-missé-natra-ivré[8] viniâ-ti-missé-médaché yiné baza kobénir. Niméké.
Nom-de-un-homme mange nom-de-un-oiseau-emblème-du-bonheur bleu. Partir au repos. Nom-de-une-dame demain au lever tape. Nom-de-une-divinité-homme du nom-de-un-bâton-sacré nom-de-une-dame au lever tapera. Bienheureux.
(Traduction en martien, aussi inintelligible que le n° 33,
d’une séquence ultra-martienne[9].)
- Yizé tarvini kié machinéné rès umaté ; hed kiémévêzi ani téri nini tié fourni raka tié zôda ; napiri hed mézouti tié forimi nubée tédora toué mis liza dénâpi yizé rabri. Cé di y ani umêzir ipêné peunêzé misé, imazé ti pastiné é ché vraïni, ni vati med kié ani di navazé mouda é tès attana. Évaï divinée.
Leur langage ne peut se écrire : ils ne ont pas comme nous des marques formant des mots : cependant ils possèdent des marques curieuses exprimant dans un cas nécessaire leur pensée. Je te en ferai connaître quelques-unes, afin de complaire à ton désir, et surtout pour ne pas te arrêter davantage à ce monde. Sois heureuse.
(Auditif, renseignements fournis par Ramié sur l’ultra-martien :
23 avril 1900, traduit 27 mai).
Il suffit de jeter un coup d’œil sur ces derniers textes pour se convaincre que la langue martienne est en voie de se pervertir et même de se jargonner. Il était temps de la saisir, et elle était mûre pour l’examen. Quoi que Mlle Smith puisse désormais produire en ce genre, il est douteux que la psychologie et la linguistique en tirent d’autres renseignements utiles que ceux qu’on verra consignés ci-après, si toutefois je n’ai failli moi-même à tirer de l’admirable documentation de M. Flournoy toutes les conclusions qu’elle comporte et autorise.
Sceaux (Seine), le 3 mars 1901.
[1]. Le contenu de ce chapitre a été communiqué à la Société de physique et d’histoire naturelle de Genève dans sa séance du 6 avril 1899 (Archives des sciences physiques et culturelles, 1899, t. VIII, p. 90).
[2]. Il est à noter que Léopold a écrit ces mots en conservant le crayon dans la position où le tenait Astané, c’est-à-dire entre l’index et le médius (mode d’Hélène), au lieu de le prendre à la manière ordinaire, entre le pouce et l’index, comme il en a l’habitude.
[3]. Ce sont les textes 16 à 20, 26, 28, 31, 34, 37 à 39.
[4]. Sauf le signe (muet) de certains pluriels que j’imiterai par un ξ.
[5]. La Psychologie des Sentiments (Paris, Alcan, 1896), p. 62.
[6]. J’ai omis le texte ultra-martien, qui n’a rien à voir à mon étude et n’offre d’ailleurs nul intérêt. — La traduction (?) en français a eu lieu le même jour.
[7]. Ce sont là les quarante textes qu’a publiés M. Flournoy et qui font l’objet de la présente étude. Ceux qui suivent sont inédits : je ne les ai pas compris dans mon examen, achevé avant qu’ils ne fussent
recueillis : mais, pour être complet, je les transcris ici avec son autorisation. Il m’a également communiqué un petit vocabulaire et des hiéroglyphes ultra-martiens fort curieux, mais étrangers à mon plan, non moins que la langue uranienne, dont Mlle Smith avait annoncé la prochaine apparition, mais qui, à ma connaissance, gît encore dans les limbes de son subconscient et ne paraît pas devoir en sortir.
[8]. Missé signifiant « une », c’est ici le premier et unique exemple d’un nom masculin en français qui soit féminin en martien.
[9]. Le même jour, M. Flournoy a obtenu la traduction des deux mots laissés en blanc au n° 19 : milé piri « vite encore ».
















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